Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cinéma


Mort pour la France (De nos frères blessés)

 

Le devoir de mémoire, concernant le passé colonialiste de la France, passe aussi par le destin de cet ouvrier (français) condamné à mort pour un "attentat terroriste" (déjoué) à Alger. L'homme, militant communiste, est donc, d'une certaine façon, mort pour la France, ou pour ses intérêts nationaux, si l'on préfère. Un sujet passionnant, maintenant que le silence assourdissant sur les "événements" d'Algérie n'a plus cours, qui aurait mérité un film avec davantage d'étoffe et mieux construit que De nos frères blessés. Avec ses flashbacks innombrables, qui ont pour but de montrer l'histoire d'amour du futur guillotiné et d'introduire ainsi la vision de son épouse dans cet affaire déplorable, le film perd de son acuité et se disperse, alors qu'une suite chronologique simple aurait sans doute permis de mieux cerner les enjeux et, surtout ,de témoigner de manière plus aiguë de la violence de l'époque. De nos frères blessés est à charge contre l’État français, évidemment, et c'est une lecture logique, mais y manque aussi le contrechamp, quant aux motivations du système d'occupation et d'oppression colonialiste pour délivrer un jugement "exemplaire" eu égard aux troubles de cette période. Malgré la qualité des interprétations de Vincent Lacoste (de plus en plus impressionnant) et de Vicky Krieps (toujours juste), le film de Hélier Cisterne déçoit par son incapacité à dépasser la simple illustration scolaire quoique confuse, d'un cas qui représente un exemple symbolique d'une justice inféodée à l'arbitraire de la politique.

 

 

Le réalisateur :

 

Hélier Cisterne est né en 1981 à Paris. Il a réalisé Vandal.

 


29/03/2022
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Tout à fait Alès (3)

 

Wild Men (Vildmaend) de Thomas Daneskov.

Qu'est ce que c'est, Wild Men ? Une nouvelle illustration de la crise de la quarantaine de l'homme occidental (danois, en l'occurrence) ? La volonté de s'affranchir de l'esclavage des gadgets modernes en retournant à la nature, vêtu de peaux de bêtes ? Ou encore un Buddy Movie déjanté dans la splendeur des fjords norvégiens ou bien un thriller absurde où un arc est parfois plus meurtrier qu'un revolver ? Un peu tout cela à la fois, pour un film qui épouse parfois l'univers des frères Coen. Comme son titre l'indique, Wild Men s'intéresse presque exclusivement à la gent masculine, les couples des différents protagonistes brillant par leur caractère dysfonctionnel. Un peu de subtilité féminine n'aurait cependant pas fait du mal car il arrive que le film se noie de temps en temps dans ses excès malgré un humour décapant auquel il arrive malgré tout de rater sa cible, à moins qu'il s'agisse d'un problème de traduction, ce qui n'est pas à exclure. Le film possède quand même quelques moments de franche rigolade, notamment au sein d'un camp viking dont la pseudo-authenticité est raillée de façon réjouissante. Bon, l'ensemble est un peu foutraque et frise de temps en temps le n'importe quoi mais on ne s'ennuie pas une seule seconde et on y prend une sorte de plaisir régressif, ce n'est pas si mal, non ?

 

La femme du fossoyeur (The Gravedigger's Wife) de Khadar Ayderus Ahmed.

La femme du fossoyeur nous convie à un voyage à Djibouti, auprès d'une famille où le père n'a pas toujours du travail, où la mère doit subir une opération coûteuse et où le fils traverse une crise de préadolescence. L'histoire est simple mais elle est transcendée par des personnages lumineux et une mise en scène qui combat la dureté du quotidien, jamais montré de manière misérabiliste, en privilégiant de rares moments précieux : l'alchimie d'un couple, un mariage, des conversations dans un café, etc. Le film se déplace, de la ville au désert en passant par un petit village isolé et indique en sous-texte que la région a été en grande partie oubliée par la modernité : aucune trace de portables ni d'internet tandis que l'hôpital n'a pas d'anesthésiste à demeure. Malgré un rythme parfois peu soutenu et un dénouement décevant, La femme du fossoyeur fait partie de ces œuvres dont la dignité et la sensibilité ne peuvent laisser indifférent. Son regard est à comparer à celui de Dhalinyaro (2018), le film de la réalisatrice djiboutienne Lula Ali Ismail, qui s'attachait plus particulièrement au portrait de trois lycéennes confrontée à une alternative : partir du pays ou rester. Deux visions et thématiques différentes au sein de ce cinéma de la corne de l'Afrique dont le développement ne semble passer que par la mise en place de coproductions internationales.

 

Vortex de Gaspar Noé.

Chaque œuvre de Gaspar Noé est une expérience, souvent traumatisante, parfois à base de provocation et d'images hallucinées. Vortex se place dans un registre différent, dépouillé et faussement documentaire, mais ce qu'il exige du spectateur est immense, dans cette étude au noir qui ne laisse aucune place à la fantaisie. "On est bien peu de chose" (Mon amie la rose) interprète une Françoise Hardy juvénile, en ouverture du film, mais c'est bien son seul moment apaisé. D'emblée, le procédé du split screen divise l'attention : il n'est pas sûr qu'il soit bien utile, se dit-on, avant de se raviser et de comprendre qu'il est un moyen de montrer deux personnes, qui forment un couple depuis longtemps, qui s'isolent de plus en plus dans leur propre univers malade. Ce véritable crépuscule des vieux, dans la violence d'une dégénérescence annoncée, prend à la gorge et ne se desserre jamais, y compris quand le fils, irresponsable, daigne visiter ses vieux parents. Jusqu'au bout, Gaspar Noé maintient la note dans une atmosphère irrespirable que l'on ne peut comparer qu'à Amour de Haneke, auquel il n'est pas interdit de penser. Dans un rôle dément, c'est le cas de le dire, Françoise Lebrun dépasse l'entendement, niveau auquel ne saurait prétendre Dario Argento, dont le manque d'expérience d'acteur se fait parfois sentir. Quant à Alex Lutz, il élargit encore sa palette dans un rôle complexe dont il se tire bien. Certains cinéphiles, pour le moindre film marquant, utilisent le terme galvaudé de "claque." Et Vortez, ce serait quoi, alors ? Un KO assené par les poings de Mike Tyson ?

 

 


29/03/2022
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Des envies de meurtre (Bruno Reidal)

 

De par sa puissance d'illustration et sa capacité à explorer les zones noires de l'âme d'un assassin d'enfant, Bruno Reidal suscite une certaine sidération, surtout pour un premier long-métrage. Entre Pialat et Bresson, dans une austérité d'images magnifiée par la palette d'un peintre, le film s'empare d'un fait divers du début du XXe siècle, qui s'est déroulé dans le Cantal, raconté par le jeune criminel qui confesse comment ses envies de meurtre (et d'orgasme) réprimées depuis l'enfance se sont concrétisées de la manière la plus horrible. Si Bruno Reidal fonctionne par le truchement de nombreux flashbacks, l'utilisation de la voix off, quasi constante, pour un texte simple mais remarquablement écrit, frappe par sa pertinence narrative, avec une certaine douceur qui contraste avec la violence des actes imaginés puis réels. Le réalisateur, Vincent Le Port, "gère" avec une grande maîtrise le malaise qui ne peut que s'installer devant cette confession d'un jeune homme dérangé et monstrueux, humanisé par sa lutte constante pour ne pas céder aux instincts bestiaux qui le minent depuis des années. Difficile de qualifier de "beau" un film aussi imprégné de l'esprit du mal mais c'est pourtant ce qu'il révèle être, avec la profonde lucidité de ce bourreau victime de ses abominables pulsions. Rarement on a vu au cinéma une telle radiographie de l'effroi illustrée avec une précision pareille.

 

 

Le réalisateur :

Vincent Le Port est né en 1986 à Rennes. Il a réalisé 11 courts-métrages.

 


28/03/2022
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Tout à fait Alès (2)

 

 

A l'ombre des filles d'Etienne Comar.

D'un côté, un acteur dans une mauvaise passe qui accepte de monter une pièce avec des détenus ; de l'autre, un chanteur lyrique dans une semi-retraite qui accepte d'animer un atelier de chant avec des ... détenues ! Impossible de ne pas voir les similitudes entre Un triomphe et A l'ombre des filles, le second ayant le défaut majeur du "déjà vu", qui plus est dépourvu du rythme et l de 'humour du premier. A vrai dire, le film d’Étienne Comar semble davantage s'intéresser à son "coach" qu'aux prisonnières, avec l'exception notable du personnage incarné par Agnès Jaoui qui bénéficie d'un traitement particulier, dont on peine d'ailleurs à comprendre les raisons. A l'ombre des filles n'est pas une comédie musicale, comme pouvait l'être The Singing Club, auquel on pense aussi parfois, et son énergie collective n'est guère perceptible, le film préférant s'attarder sur les relations entre le groupe de femmes et leur professeur, celles-ci passant du froid au chaleureux sans que là non plus de véritables explications soient données. La mise en scène, relativement plate, ne compense pas les creux psychologiques d'un récit qui s'égare parfois dans des scènes inutiles. Reste l'interprétation, celle de Alex Lutz ne méritant que des éloges, avec notamment les bonnes prestations de Hafsia Herzi, Veerle Baetens et, bien entendu, Agnès Jaoui.

 

Le monde d'hier de Diastème.

Le monde d'hier est un titre trompeur, celui du dernier ouvrage de Stefan Zweig avant son suicide, sachant que la dystopie de Diastème évoque une situation dans un futur proche, qui ne sort pas dans les salles peu de temps avant l'élection d'avril 2022, par hasard. Au crédit du film, une documentation sérieuse sur l'exercice du pouvoir élyséen et un suspense autour d'un scrutin qui va tout droit vers le choix de l'extrême. A saluer également : le jeu puissant de Léa Drucker, tout à fait crédible en présidente de la République et l'excellence des prestations de Denis Podalydès et d'Alban Lenoir, notamment. A son débit, une intrigue un rien bavarde, avec des dialogues qui manquent de brio ou pêchent parfois par excès de solennité (rien à voir avec la force de L'exercice de l’État). Le film est également peu heureux quand il s'agit d'aborder la face privée de la vie de la présidente. Le monde d'hier a une ambition puissante, dans des circonstances urgentes : il s'agit de sauver une démocratie, tout en s'interrogeant sur les moyens pour y parvenir. C'est évidemment passionnant, sur le papier, pour tous les citoyens que nous sommes, mais un rien laborieux à l'écran malgré la volonté de Diastème d'éviter que l'on cherche à reconnaître certains politiciens derrière ses personnages. Sensibiliser l'électorat français à ne pas privilégier l'abstention est le message sous-jacent du réalisateur. Pas sûr que son efficacité se vérifie dans les urnes lors de la prochaine élection présidentielle.

 

En corps de Cédric Klapisch.

En corps commence par un quart d'heure de grâce absolue, à l'Opéra de Paris, où; sans nécessité de dialogues, l'intrigue du film s'installe, indépendamment et avec de somptueux moments de danse classique, qui devraient séduire même ceux qui n'ont pas d'affinités avec cet art. Après cela, le retour sur terre est difficile mais Klapisch n'est pas un novice et retrouve ses bonnes habitudes de cinéaste de l'air du temps, s'attachant à la reconstruction physique, mentale et sentimentale de son héroïne, judicieusement incarnée par une danseuse professionnelle, Marion Barbeau, qui ne démérite pas dans son jeu d'actrice débutante, même aux côtés de poids lourds confirmés, tous excellents : Pio Marmaï, Bruno Podalydès, Muriel Robin et François Civil, entre autres, des rôles secondaires qui assurent et apportent, pour certains d'entre eux, un humour bienvenu. Klapisch, dont on connait l'attachement à l'art chorégraphique, dans ses différentes déclinaisons, du hip-hop à la danse contemporaine, alterne les scènes dédiées et la comédie de caractère(s), avec la fraîcheur qui caractérise son cinéma et une amusante candeur, parfois, mais surtout une fluidité de tous les instants. En corps est une belle façon de se renouveler pour Klapisch, sans se renier, avec la notion de troupe visible dans L'auberge espagnole et ses suites, sans perdre de vue les parcours individuels de vie qu'il rend, à sa manière particulière, à la fois héroïques et chaotiques mais passionnants à suivre. En corps est l'une des plus belles réussites de son auteur qui a le plus souvent su sur quel pied danser, sans perdre l'équilibre.

 

 


27/03/2022
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La semaine d'un cinéphile (271)

Lundi 21 mars 2022

 

Avant de partir pour Alès, quoi de mieux que de regarder le nouveau film d'Alex van Warmerdam, qui ne sortira peut-être pas en salles ?

 

 

Mardi 22 mars

 

Le Festival Itinérances d'Alès : J-3. Trop content de retrouver les Cévennes et l'ambiance détendue d'un événement qui promet de belles avant-premières.

 

 

Mercredi 23 mars

 

Des films auxquels je tiens sortent ce mercredi : Plumes et L'ombre d'un mensonge. Il me reste à voir Bruno Reidal, La brigade et De nos frères blessés.

 

 

Jeudi 24 mars

 

Ma dernière séance avant le festival d'Alès. Et c'était à Aurillac ! Une ville de plus dont j'aurai visité l'un des cinémas.

 

 

Vendredi 25 mars

 

C'est parti pour le Festival d'Alès avec En même temps (bof) et Inexorable (bien)

 

 

Samedi 26 mars

 

Une journée à 3 films parmi lesquels j'ai adoré Les repentis d'Iciar Bollain. Sans date de sortie française, pour l'instant.

 

 

Dimanche 27 mars

 

Je vais tenter de jongler entre le Festival d'Alès et les sorties de la semaine au Sémaphore de Nimes. Objectif : 4 films.

 

 

 


27/03/2022
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Tout à fait Alès (1)

Me revoilà à Alès pour un festival à nouveau placé en ses dates traditionnelles. J'ai prévu 23 séances en 10 jours. Allons-y !

 

En même temps de Gustave Kervern et Benoït Delépine.

En même temps a failli s'appeler L'un dans l'autre, titre très premier degré puisque deux hommes politiques y sont littéralement collés ... l'un à l'autre, par la faute d'activistes féministes. Drôle de postulat de départ, qui n'étonne cependant pas de la part du duo Kervern/Delépine qui s'attaque ici à la politique (le film devait absolument sortir avant l'élection présidentielle) à travers le double portrait d'un écologiste et d'un opportuniste, jusqu'à ce que la colle tue ... les préjugés, ou peut-être pas. Les cinéastes n'y vont pas de main morte, n'ayant peur ni de la vulgarité induite par la posture embarrassante de ses deux héros ni d'un effet de répétition qui finit cependant par lasser. Mais En même temps traite aussi du féminisme, de manière primesautière mais radicale, jusque dans des dernières scènes beaucoup trop démonstratives qui alourdissent le propos, déjà pas spécialement nuancé. Ira t-on jusqu'à prétendre que le film la joue un peu démagogique et très dans l'air du temps, en tirant à boulets rouges sur les politiciens et en faisant de l'écologie et du féminisme les valeurs d'avenir pour faire évoluer notre société sclérosée par des années de patriarcat et de libéralisme ? Sans doute qu'on le peut même si le film ressemble aussi à une blague potache, qui a pour but essentiel de nous amuser ... intelligemment. Grâce à Vincent Macaigne, India Hair et surtout Jonathan Cohen, il y parvient, mais pas tout le temps.

 

Inexorable de Fabrice du Welz.

La définition du film noir, selon Fabrice du Welz ? "Un genre qui ne fait que des victimes." Cinéphile passionné, le réalisateur d'Inexorable assume des influences multiples, conscientes ou inconscientes, du Théorème de Pasolini à Laura de Preminger, en passant par les films de fantômes japonais ou le Giallo. Écrasé sous les références, alors cet Inexorable ? Qui plus est avec une sorte de prévisibilité de son intrigue cheminant vers le pire ? Pas si vite, si du Welz nous dévoile presque d'emblée le fond de son histoire, c'est pour essayer de déconstruire des schémas archétypaux, laisser quand même de la place au suspense (et à l'épouvante) et montrer qu'il est avant tout un styliste, comme le montrent ses images (argentiques) et son utilisation efficiente de la musique (entre autres choses). Et puis, il est capable, dans une poignée de scènes, d'inviter une sorte de folie dans une écriture qui ne se veut pas réaliste, de toute manière (la danse d'anniversaire, un passage en voiture). Enfin, le cinéaste manifeste une sorte de compréhension vis-à-vis des mensonges de ses personnages (et leurs châtiments), leur donnant un caractère humain profond dans leur recherche d'harmonie, cependant impossible, puisque nous sommes dans ... un film noir. Rayon interprétation, il n'y a pas de faute de goût, avec un Poelvoorde impressionnant, une Mélanie Doutey excellente et la révélation d'Alba Gaïa Bellugi, aux faux airs de Charlotte Gainsbourg, en beaucoup plus inquiétante (qui a reconnu la fillette d'Intouchables ?).

 

Les repentis (Maixabel) d'Iciar Bollain.

Le mariage de Rosa, l'avant-dernier long-métrage d'Iciar Bollain, n'a pas été distribué dans les salles françaises (disponible en VOD). En sera t-il de même pour Maixabel (Les repentis) qui, contrairement à son prédécesseur, est tout sauf une comédie. Il y est question du conflit basque, peu avant que l'ETA ne dépose les armes, et de ses combattants, meurtriers de sang froid pour la cause, qui eurent, pour certains, l'occasion de rencontrer les familles de leurs victimes passées. L'histoire de Maixabel est inspiré de faits réels, ce qui donne encore davantage de poids émotionnel à un scénario qui se partage entre les regrets des uns et le chagrin des autres. Il faut une sacrée maîtrise, avec un tel sujet, pour ne pas tomber dans le piège du larmoyant, tout en rendant compte du caractère poignant de certaines scènes où les assassins confessent et cherchent le pardon dans les yeux de ceux qu'ils ont endeuillés à jamais. Le titre espagnol du film, soit le prénom de son héroïne, dont le mari a été tué des années plus tôt, est le plus explicite car il s'agit véritablement du personnage central du film, dont le courage s'exprime au moment et surtout après la tragédie qui l'a frappée. Blanca Portillo a obtenu le Goya de la meilleure actrice 2022 pour ce rôle déchirant, qu'elle interprète avec une pudeur et une lumière particulières. Elle fait face, notamment, au grand acteur espagnol Luis Tosar, lequel aurait tout autant mérité d'être récompensé. A eux deux, ils incarnent l'idée qu'une certaine forme d'apaisement est possible, même au sortir d'un drame indélébile.

 

 


27/03/2022
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Prêcheurs en eaux troubles (Dans les yeux de Tammy Faye)

 

Difficile de faire plus américain que Dans les yeux de Tammy Faye, portrait d'une célèbre télévangéliste qui, avec son mari, créa un empire qui finit par s'écrouler comme un château de cartes. Avec de gros morceaux de rêve (capitaliste) américain dedans, dans ce monde de prêcheurs en eaux troubles où la foi devient un pur produit de consommation de masse. Tout ce qui est habituellement attendu d'un biopic figure dans un récit linéaire qui survole parfois les années, puisqu'une vie ne saurait être résumée à 2 heures de projection. Dans les yeux de Tammy Faye fait tous les efforts possibles pour ne pas trop s'éloigner de la réalité (l'ex-mari est toujours vivant et a d'ailleurs été impliqué dans une escroquerie autour du Covid) mais c'est assurément le côté kitsch et volontairement caricatural qui retient l'attention même s'il faut saluer le soin apporté aux décors et costumes. Que dire de Jessica Chastain, investie corps et âme dans un rôle à mille transformations physiques et donc susceptible de la transporter vers la scène des Oscars ? Qu'elle est un peu sur le fil du rasoir avec ce personnage sidérant, exubérant et pathétique que le film fait tout pour sauver et rendre, en définitive, touchant. La performance est monstrueuse car outrancière, mais à dessein, et déséquilibre le film eu égard à la prestation falote d'Andrew Garfield, qui n'est crédible que dans la jeunesse de son personnage, et encore. Dans les yeux de Tammy Faye s'avère plus efficace en tant que divertissement que d'étude sociologique et ne fera en tous cas pas oublier, dans un registre voisin, la puissance d'Elmer Gantry,,le charlatan de Richard Brooks, avec un Burt Lancaster hallucinant.

 

 

Le réalisateur :

 

Michael Showalter est né le 17 juin 1970 à Princeton (New Jersey). Il a réalisé 4 films.

 

 


26/03/2022
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Un cheveu sur la soupe (La Brigade)

 

En tant que récit social et humaniste, La Brigade coche consciencieusement les cases idoines pendant une bonne heure D'accord, ce n'est pas du Ken Loach, loin de là mais il y a une histoire qui se tient et surtout un esprit positif et une vision, qui ne l'est pas moins, du "problème" des migrants, avec la volonté de Louis-Julien Petit de réaliser une œuvre optimiste, avec un peu de candeur, certes, mais sans démagogie aucune et avec une énergie rafraîchissante. Et puis, insensiblement, le film patine, ayant sans doute dit l'essentiel à partir de sa trame de départ. Vient alors, comme un désagréable cheveu sur la soupe, une satire ratée et hors sujet des émissions de télévision consacrées à la cuisine. Alors que le film avait justement trouvé son rythme de croisière, tout semble désormais précipité, au mépris de toute crédibilité. On comprend bien, in fine, qu'il y avait pour le cinéaste un message urgent à faire passer mais pourquoi ne pas l'avoir préparé en amont ? Dommage que ce final parte autant en vrille, une vraie faute de goût, mais cela ne remet pas en cause la prestation impeccable de Audrey Lamy et de ses camarades, amateurs ou professionnels, à l'exception peut-être d'un François Cluzet, bizarrement en porte-à-faux, et qui ne semble pas avoir trouvé sa place au "chœur" du dispositif.

 

 

Le réalisateur :

 

Louis-Julien Petit est né le 6 septembre 1983 à Salisbury (Royaume-Uni). Il a réalisé 5 films dont Discount.

 


25/03/2022
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Papa poule (Plumes)

 

Grand Prix du meilleur film de la Semaine de la critique, Plumes possède un postulat de départ fort étrange, avec un père de famille qui disparait dans une malle, lors d'un tour de magie raté, remplacé par un gallinacé. C'est une façon comme une autre d'illustrer l'expression "papa poule" mais c'est surtout une situation absurde qui sert principalement au primo-réalisateur égyptien Omar al-Zohairy à dérouler un récit très noir sur les conditions de vie de la population la plus pauvre dans une contrée jamais nommée mais qui est évidement celle du cinéaste. Une critique sociale tellement transparente qu'elle a d'ailleurs suscité la rage des autorités égyptiennes qui ont accusé le film de ternir l'image du pays. Assez minimaliste sur le plan des dialogues et composé d'une suite de scènes souvent en plans fixes, Plumes fait parfois penser au cinéma de Roy Andersson ou encore à celui du palestinien Elia Suleiman, en un peu moins abouti, tout de même, et en nettement moins drôle aussi, le caractère dramatique du film prenant le dessus sur le grotesque de la situation initiale. Néanmoins, grâce à ce côté extravagant, le long-métrage fait passer ses message avec une grande efficacité (la place dérisoire des femmes dans un univers patriarcal n'est pas le moindre), rejetant tout misérabilisme, malgré les conditions d'existence épouvantables décrites, entre pollution d'usine et logements insalubres.

 

 

Le réalisateur :

 

Omar El Zohairy est né en 1988 en Egypte. Il a réalisé 2 courts-métrages.

 

 


24/03/2022
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Paysages d'amnésie (L'ombre d'un mensonge)

 

Il y a de nombreux moments de pure beauté dans L'ombre d'un mensonge et ils ne sont pas uniquement dus à la splendeur sauvage des côtes écossaises. Bouli Lanners a été bien inspiré de s'oxygéner pour sa nouvelle réalisation qui s'avère être sa plus probante et touchante. Un vrai drame romantique qui commence avec un AVC et l'amnésie qui s'ensuit pour un étranger sur cette île écossaise, qui a fui on ne sait trop quoi. Sa part de mystère n'est pas la seule à soulever des interrogations, celle qui entoure l'autre personnage principal de L'ombre d'un mensonge, une femme d'âge moyen, interpelle tout autant. Ce qui est quasi miraculeux dans le film, c'est que même les sous-intrigues (le chien) apportent leur content d'humanité et enluminent le récit. Au sein de la petite communauté ilienne, où la messe du dimanche est sacrée, l'esprit de corps n'empêche pas une certaine solitude, tout du moins pour des âmes un peu perdues. Mais tout autant que son scénario, simple et prenant, c'est la densité de la mise en scène qui fait accéder le film à un niveau plus élevé, avec des cadrages originaux sans être tapageurs et une élégance soutenue dans une austérité pour certains plans qui ne sont pas loin de faire penser à Dreyer, excusez du peu. Ajoutez-y l'interprétation parfaite de Bouli Lanners et l'incroyable capacité d'émotion de Michelle Fairley et vous obtenez ce que l'on pourrait appeler une pépite si le terme n'était pas aussi galvaudé.

 

 

Le réalisateur :

 

Bouli Lanners est né le 20 mai 1965 à Moresnet-Chapelle (Belgique). Il a réalisé 5 films dont Ultranova et Les géants.

 


23/03/2022
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