Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

17 pour une quinzaine (2)

 

Agra de Kanu Behl

Outre le fait que Agra ne laissera personne indifférent, il est prévisible que les réactions à son encontre iront du "waouh" au WTF, les deux pouvant d'ailleurs cohabiter. Le film commence avec des visions grotesques et se poursuit dans le chaos indescriptible d'une maisonnée où cohabitent un père,sa femme, sa maîtresse et son fils. Mais c'est la frustration sexuelle XXL de son "héros" (le plus jeune) qui prédomine dans une première heure qui frôle l'hystérie, avec pour seule comparaison possible, mais lointaine, l'Affreux, sales et méchants de Scola. La deuxième heure, en comparaison, est heureusement bien plus calme, et pose avec une certaine acuité le problème du logement et du manque d'espace individuel dans les grandes villes indiennes. Le genre du sujet assez commun dans la littérature indienne mais qui, dans Agra, se retrouve au cœur d'un conflit où les différents protagonistes se disent leur quatre vérités dans un langage qui n'a rien de fleuri. Cela et d'autres scènes assez crues ont de quoi choquer mais le plus grave, en définitive, est l'impression que certaines scènes manquent, notamment dans sa dernière ligne droite, pour que le spectateur, pas nécessairement remis des premières minutes du film, comprenne tous les tenants et les aboutissants d'une histoire brutale et salée. En file indienne, il apparait que le réalisateur, Kanu Behl, a voulu énumérer quelques uns des maux endémiques du sous-continent, avec le plus grand réalisme. D'une certaine manière, c'est réussi, au-delà de ses espérances.

 

De nos jours de Hong Sang-soo

Le dernier Hong Sang-soo aurait pu s'appeler Le chat, le poète et l'alcool ou encore deux salles, même ambiance, puisque nous sommes invités à deux conversations qui ont bien des choses en commun et, bien entendu, une saveur familière à tous ceux qui fréquentent le cinéaste coréen depuis de nombreuses années. Rien de très neuf, a priori, mais voir un nouveau film de Hong, n'est-ce pas vouloir y retrouver une petite musique qui n'appartient qu'à lui, déposée comme une marque de fabrique ? On peut toujours y traquer des éléments autobiographiques et il est permis de penser que le poète vieillissant auquel on a interdit l'alcool et les cigarettes ressemble un peu, beaucoup, passionnément, au réalisateur. Dans De nos jours, chacun cherche son chat et on s'y affronte dans un chifoumi endiablé, plutôt que de tenter de répondre à des questions existentielles qui, de toute manière, n'ont pas de réponse. Et comme presque toujours, à condition d'être dans un état réceptif, le récit modeste et un peu figé de Hong Sang-soo fait son petit effet et devrait conquérir sans mal ses aficionados. D'autant que la gracieuse Kim Min-hee fait partie de la distribution, bien que laissant volontiers la vedette à Ki Joo-bong, irrésistible dans le rôle de l'écrivain en plein sevrage qui craquera, peut-être, avant la fin du film.

 

In Flames de Zarrar Kahn

Pour s'attaquer au patriarcat au Pakistan, Zarrar Kahn, dont c'est le premier long-métrage, a choisi de varier les tonalités, passant progressivement du portrait intime à la comédie romantique, au drame, au fantastique et même à l'horreur. A l'image de Joyland, sorti il y a seulement quelques mois, In Flames est aussi une réussite esthétique, montrant la réalité et les fantômes de Karachi, tels que perçus par son personnage principal de jeune étudiante, incarnée de manière impressionnante par la magnifique Ramesha Nawal. Certains pourront sans doute trouver à redire à ce mélange des genres, mais si le réalisme de certaines scènes est contrebalancé par son caractère onirique, le film n'y perd en aucun cas de sa puissance pour décrire le quotidien des femmes dans la mégalopole pakistanaise, laquelle n'est que danger, que ce soit dans la rue ou dans le cercle familial. Et que l'on ne parle pas de manichéisme, même si In Flames a des allures de brûlot. Le film décrit un état de faits difficile à réfuter et use pour cela des armes à sa disposition, avec une volonté d'enfoncer le clou qui ne lui est pas préjudiciable. Comme le dit un surveillant des bonnes mœurs, à l'égard de deux jeunes gens trop serrés sur un banc : "ce n'est pas Bollywood, ici !". En particulier, pour les femmes, cela relève de l'évidence.

 



10/06/2023
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 50 autres membres