Vu à La Rochelle (6)
Une journée à 3 films où la qualité a supplanté la quantité. Avec Les contes de la lune vague après la pluie mais aussi Portrait de la jeune fille en feu et Atlantique.
Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma, sortie le 18 septembre.
Si, pour une raison quelconque, il fallait abandonner Portrait de la jeune fille en feu au milieu de la projection, le sentiment serait mitigé : celui d'avoir vu la moitié d'un film très beau mais hiératique et un peu froid. Heureusement, la deuxième heure du nouveau long-métrage de Céline Sciamma est autrement plus forte et émouvante, atteignant même des sommets que l'on n'espérait pas de la part de la cinéaste, au vu de ses oeuvres antérieures. Est-ce l'évocation, d'une époque lointaine (la deuxième partie du XIXe siècle) ? Toujours est-il que la réalisatrice s'est sentie libre de céder à la passion romanesque et de vaincre sa pudeur naturelle. Mais tout d'abord, d'un point de vue pictural, en intérieur ou à l'extérieur, dans la lumière chatoyante éclairant les plages bretonnes, Portrait d'une jeune fille en feu est une splendeur, chaque plan composé comme un tableau de maître. Peindre ou faire l'amour, tel est au fond le fin mot de cette histoire où les sentiments retenus éclatent enfin comme une floraison sublime. Plusieurs scènes touchent au plus haut point, par leur esthétisme et leur souffle passionnel : celle de la fête, de l'avortement et, plus tard, dans un musée. Mais au-delà de l'intimité de ses deux personnages principaux, le film parle avec une grande acuité et justesse de la création artistique et de la place (confinée) de la femme dans la société. Sans être militant, le film est effectivement féministe avec son quatuor d'actrices qui laisse les hommes hors champ. Adèle Haenel est magnifique mais la révélation est sans conteste Noémie Merlant, absolument renversante. La complicité de ce duo nous offre des moments bouleversants d'où l'ironie et l'humour ne sont d'ailleurs pas absents, à travers des dialogues joliment troussés. Portrait d'une jeune fille en feu est non seulement le meilleur long-métrage de Céline Sciamma mais aussi l'un des meilleurs films français de l'année, haut la main.
Atlantique, Mati Diop, sortie le 2 octobre
Le deuxième court-métrage de Mati Diop s'intitulait Atlantiques et racontait la traversée de l'océan par un jeune sénégalais. Avec son premier long, la réalisatrice a changé de perspective en s'intéressant à l'odyssée de Pénélope plus qu'à celle d'Ulysse. Avant tout, la cinéaste a tenté de livrer un récit qu'elle aurait aimé elle-même voulu voir à l'écran et Atlantique se retrouve ainsi à un carrefour de genres, sans se décider vraiment à en privilégier un plutôt qu'un autre : conte fantastique, enquête policière, manifeste politique, drame social, histoire romantique, essai documentaire ... C'est très séduisant sur le papier mais encore faut-il maîtriser parfaitement sa narration et équilibrer éléments réalistes et poétiques. Atlantique est hélas trop inégal, alternant très belles scènes et moments plus anodins quand l'intrigue ne devient pas brouillonne ou confuse. Le film manque aussi d'une direction d'acteurs plus soutenue, les interprétations étant pour le moins inégales. Mati Diop, qui se définit comme métisse, ouverte à toutes sortes d'influences, a réalisé un premier film courageux, ambitieux et original dans lequel circule une grande liberté de ton. Certes, il est aussi maladroit, voire peu lisibles par endroits, mais il contient tout de même beaucoup de promesses pour l'avenir.
Les contes de la lune vague après la pluie, Kenji Mizoguchi, 1953
Bonne nouvelle pour ceux qui aiment Les contes de la lune vague après la pluie, le film le plus emblématique de Mizoguchi (mais est-ce vraiment son meilleur ?). Le film a été superbement restauré et ressort à la fin du mois de juillet 2019. Une bonne occasion de (re)découvrir le film sur grand écran quand on ne l'a vu que dans un cadre domestique. Pas de déception, le film est aussi remarquable que dans les souvenirs avec une maîtrise parfaite de plusieurs intrigues parallèles. Avec, en particulier, une histoire de fantômes japonais somptueusement narré. Mizoguchi s'est inspiré de deux contes fantastiques nippons mais aussi d'une nouvelle de Maupassant pour faire écrire un scénario assez complexe qu'il illumine de son immense talent de conteur et d'illustrateur. Un film où la vanité et la cupidité humaines se paient comptant dans le tourbillon de l'histoire violente du Japon.
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