Ici, c'est Angoulême (8)
La Damnée d'Abel Danan
Premier long-métrage de Abel Danan, La Damnée reprend un concept bien souvent utilisée dans les films d'horreur : une personne seule dans un appartement ou une maison, assaillie par des manifestations étranges, imputables éventuellement à son délabrement mentale. Ici, dans cet environnement en vase clos, le film y ajoute un dehors contaminé par un virus et une héroïne souffrant d'agoraphobie. Tout est en place pour une atmosphère de plus en plus poisseuse où il est impossible de distinguer la réalité de ce qu'il advient dans la tête du personnage principal, une étudiante marocaine inscrite à la Sorbonne. Côté ambiance, le film est réussi, grâce à une mise en scène viscérale, quasi cronenbergienne, et à des effets sonores particulièrement travaillés. Sans compter la prestation de Lina El Arabi (vue notamment dans Noces et Divertimento), impressionnante, qui est presque constamment à l'écran et dans tous les états possibles. Cette histoire de malédiction et/ou d'hallucinations, prend sa source profonde dans le"folklore" des sorcières au Maroc qui, soit dit en passant, est une manifestation ancienne des violences faites aux femmes. En définitive, derrière le film de genre, se dissimulent d'autres histoires puissantes, sociales, familiales et patriarcales.
Hôtel Silence de Léa Pool
Adaptation d'un excellent roman islandais, Hôtel Silence est une coproduction helvético-canadienne et a été tourné en grande partie à Cerbère, à la frontière franco-espagnole. De quoi brouiller tous les repères géographiques mais cela tombe bien car le film de Léa Pool se déroule au moment d'un cessez-le-feu dans un pays indéterminé même s'il ressemble beaucoup à la défunte Yougoslavie. Quoi qu'il en soit, le récit interroge la réparation en cours pour des personnages meurtris, en parallèle avec l'arrivée d'un étranger, lui-même en pleine dépression. C'est la confrontation silencieuse, mais qui pourrait être hurlante, entre un paysage dévasté et une âme qui n'en est pas loin, dans la réappropriation d'un quotidien ou l'espoir ou même le bonheur ne seraient plus de l'ordre de l'utopie. Film atmosphérique, poétique et un peu lancinant, Hôtel Silence prend tout son temps, sans chercher forcément à nous séduire ou à nous envoûter. C'est une expérience singulière, subtile, peut-être un peu trop austère, parfois, dont le charme tient aussi à la qualité de l'interprétation, celles de Sébastien Ricard et de Lorena Handschin, en premier lieu.
Sarah Bernhardt, la Divine de Guillaume Nicloux
Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucun film n'avait été consacré jusqu'alors à la grande Sarah Bernhardt, par le cinéma français. Le biopic de Guillaume Nicloux était attendu et il n'est pas question de lui reprocher d'avoir oublié un quelconque aspect de ce "monstre sacré" du théâtre. Malgré sa savante déconstruction chronologique, le film a tout du devoir d'un bon élève, pas académique, non, mais quelque peu convenu, quand même. Celle qui fut surnommée la divine était également une scandaleuse pour son époque, femme libre, aux amours tumultueuses, et aux caprices de diva. Comme de nombreux ouvrages "historiques" récents, le long-métrage s'efforce de montrer la modernité de son héroïne, n'hésitant pas à privilégier des thèmes aussi prégnants aujourd'hui que l'antisémitisme ou le féminisme. Le film est aussi un défilé quasi ininterrompu de "stars" de l"époque, comme Lucien Guitry et son fils Sacha, incontournables, mais aussi des figures qui n'ont fait que passer dans sa vie, à l'image de Zola ou de Freud. Était-il besoin d'insister autant sur l'idolâtrie autour de la comédienne et sur son odeur de soufre ? Disons que la chose aurait parfois mérité un peu plus de subtilité dans son traitement. Pleinement investie, Sandrine Kiberlain relève le défi avec le talent qu'on lui reconnaît. Le reste de la distribution est un peu moins convaincante, à l'image de Laurent Lafitte, peut-être un peu noyée dans des décors et des costumes somptueux. Au fond, le mystère de Sarah Bernhardt reste toujours intact, plus d'un siècle après sa mort et l'on ne peut que louer le film de la montrer telle qu'elle fut vraiment, dans un bref extrait du fameux moyen-métrage de Sacha Guitry, Ceux de chez nous, réalisé en 1917.
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