Cinéphile m'était conté ...

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Toujours Alès (8)

 

La chambre de Mariana d'Emmanuel Finkiel

C'est une autre guerre qui est passée par l'Ukraine et qui l'a puissamment marqué, de l'occupation allemande à la "libération" soviétique. Adapté du roman de Aharon Appelfeld, La chambre de Mariana raconte une histoire familière, hélas, jusqu'à un certain point, celle d'un garçon juif de 12 ans, Hugo, caché dans une maison close, et plus précisément dans la chambre d'une prostituée, amie d'enfance de sa mère qui lui a choisi ce refuge. La caméra d'Emmanuel Finkiel ne regarde que ce que le garçon, qui ressemble à un ange, voit. Le réalisateur de Voyages et de La Douleur, connu pour sa sensibilité et sa capacité à saisir les tremblements de l'intime, est à son affaire pour livrer un récit épuré, d'une force peu commune pour nous faire sentir la tension mais aussi illustrer la complicité naissante entre un adolescent en devenir et une femme à la fois protectrice et fragile. Bien d'autres œuvres cinématographiques ont montré les horreurs de la seconde guerre mondiale mais peu ont finalement réussi à nous les faire ressentir de façon viscérale, sans la montrer de manière frontale. La chambre de Mariana, avec une magnifique économie de moyens, y parvient sans pathos. Il faut dire qu'à côté du jeune et remarquable Artem Kyryk, Mélanie Thierry éblouit par une performance hors normes, sans doute la plus forte de sa carrière.

 

Bergers de Sophie Deraspe

Après son formidable Antigone, la cinéaste québécoise Sophie Deraspe est passée à tout autre chose avec Bergers, l'adaptation de l'autofiction de son compatriote, Mathyas Lefebure. Le résultat n'en est pas moins enthousiasmant, une plongée dans le monde déclinant du pastoralisme, sans naïveté, si ce n'est celle de son personnage principal, mais avec une volonté de réalisme qui n'exclut pas des a-côtés politiques, économiques, philosophiques, sociologiques, poétiques, et la liste n'est pas limitative. Un très beau long métrage qui reprend la réflexion intellectuelle du livre mais qui la transcende par ses images, forcément superbes dans la voie de la transhumance vers les alpages, tout en offrant une véritable expérience sensorielle et en n'oubliant pas le caractère physique et éreintant du métier de berger. Au sujet de l'esthétisme du film, d'ailleurs, la réalisatrice n'a pas souhaité en rajouter dans le beau, en se refusant à filmer à partir de drones, ce qui aurait été une facilité et assez contraire à la vision du berger (et de la bergère) et de son troupeau de brebis. Félix-Antoine Duval et Solène Rigot excellent dans les deux rôles principaux, aux côtés d'un certain nombre de comédiens amateurs (ou pas ?), avec accent, qui donnent au film une authenticité et une humanité de bon aloi.

 

Le clan des bêtes de Christopher Andrews

Se laisser manger la laine sur le dos n'est pas quelque chose de très agréable, surtout quand on est éleveur de moutons. Dans Le clan des bêtes, les propriétaires de deux exploitations voisines, quelque part en Irlande, semblent se détester depuis longtemps et l'engrenage de la violence les opposant va prendre de fatales proportions. Christopher Andrews, le réalisateur, a peut-être trop vu de films coréens ou est sorti ébloui de As Bestas, on l'ignore, mais il a visiblement eu des ambitions au-dessus de ses moyens, dans un récit qui hoquette à plusieurs reprises, sans raison valable, si ce n'est celle d'épater la galerie. Des êtres frustes dans un univers rude, oui, on a compris l'idée, comme la scène d'ouverture censée expliquer en partie le déchaînement de violence qui va se dérouler sous nos yeux ébahis et nos oreilles meurtries par un accompagnement musical soit inadéquat, soit assourdissant. Cela se voudrait shakespearien mais la psychologie des personnages reste simpliste et les dialogues sans grand relief. Avertissement : les amoureux des animaux vont souffrir devant ces haines humaines recuites et l'on ne pourra sauver, éventuellement, que quelques scènes d'action filmées sous tension et une interprétation globale qui, sans atteindre des sommets, s'avère assez honorable.

 



29/03/2025
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