Toujours Alès (6)
Songe de Rashid Masharawi
Dans Songe, le propos de Rashid Masharawi ne passe pas par l'indignation ni par la colère mais par des armes qui se révèlent tout aussi efficaces, celles de l'amertume et de l'ironie, au regard du quotidien du peuple palestinien. La ligne directrice du scénario est bien humble en apparence, soit la quête d'un jeune garçon pour retrouver son pigeon qui s'est envolé mais ce n'est bien entendu qu'un prétexte pour nous faire voyager, de l'aube à la nuit, d'un camp de réfugiés en Cisjordanie à Haïfa, en passant par Bethléem et Jérusalem. Un périple dans un combi Volkswagen brinquebalant qui donne lieu à des rencontres inopinées, des explications familiales, des moments de tendresse et de solidarité, mais aussi des contrôles humiliants aux Checkpoints et une certaine idée de la paranoïa ambiante chez "l'occupant" israélien. Si le film s'intitule Songe, c'est sans doute, qu'à l'instar du pigeon disparu, l'espoir d'un futur sans contraintes ni affronts, vers une liberté chérie, reste toujours vivace chez les Palestiniens. Les films passés de Elia Suleiman l'ont démontré avec un sens du burlesque sans équivalent mais Songe, en toute modestie et douceur, contribue à dresser un état des lieux des plus objectifs, sans chercher à susciter une quelconque polémique.
Chroniques d'Haïfa de Scandar Copti
L'écriture de Chroniques d'Haïfa s'est achevée en 2018 et son tournage, en 2020, a dû s'interrompre au bout de 3 jours seulement, à cause de la pandémie. Malgré ces atermoiements, le film de Scandar Copti, dont la précédente œuvre, Ajami (en coréalisation), datait d'il y a déjà 15 ans, a enfin pu être présenté au Festival de Venise 2024. Long métrage choral, Chroniques d'Haïfa imbrique plusieurs récits autour de membres d''une même famille palestinienne et d'autres personnages, Arabes ou Juifs, dont la cohabitation à Haïfa, la ville la plus cosmopolite d'Israël, est moins problématique qu'ailleurs dans le pays, mais se heurte néanmoins à pas mal d'interdits ou de préjugés. Il est question de mariage, de grossesse, de difficultés financières et de liaisons dangereuses, dans un style documentaire qui met en valeur la qualité de l'interprétation mais qui se révèle, en revanche, trop sophistiqué, ou confus, selon sa propre compréhension des sujets traités, dans une construction qui se joue des temporalités et fait parfois apparaître la même scène à des moments différents. L'on peut être un peu déboussolé et ne pas tout saisir immédiatement des enjeux profonds mais les interactions entre les deux communautés, avec ses incompréhensions et ses a priori, rendent le film intense et assez souvent passionnant à suivre.
Exhuma de Jang Jae-hyung
Ce n'est pas toujours une bonne idée que de répondre à l'appel de la tombe, en déterrant de vieux corps qui n'en demandaient pas tant, encore que. Mais sans cette fascination de l'au-delà, il n'y aurait pas d'Exhuma, un film coréen jusqu'au bout des ongles et pas désagréable à regarder, pour peu que l'on n'ait rien contre le paranormal et l'ésotérisme. Ce qui est fort dans le film, c'est qu'il est en fait composé de deux récits qui s'enchaînent, de manière inattendue, mais avec les mêmes protagonistes principaux, à savoir une jolie chamane, un vieux géomancien et quelques comparses susceptibles de souffrir dans leur chair. L'ensemble ne manque pas de conviction ni de maîtrise formelle, avec quelques allusions à l'histoire du pays, avec ses infâmes ennemis colonisateurs japonais, mais fait preuve d'un peu trop de sérieux et d'application dans un crescendo d'horreur, qui en devient presque ridicule, alors que l'humour n'est pas vraiment ce qui caractérise le long métrage. Pour qui n'est pas un animateur de cinéma de genre mais qui ne dédaigne pas d'y passer une tête, de temps en temps, Exhuma n'impressionnera sans doute pas outre mesure mais n'ennuiera pas non plus, faisant office d'entre deux qui s'oubliera plus vite qu'il ne faut pour le dire.
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