Toujours Alès (2)
Sept jours de Ali Amadi Ahadi
Coécrit par Mohammad Rasoulof, Sept jours n'a pas la puissance de ses propres films en tant que réalisateur, mais trace sa voie de manière sensiblement efficace, entre thriller politique et drame familial. Son personnage principal est une héroïne, militante iranienne qui profite d'une semaine de "liberté" pour raisons médicales. Son parcours, durant ces journées, s'inscrit comme une quête personnelle, pour retrouver ses proches, avec le dilemme du départ ou non du pays en tête. La tension et l'émotion se conjuguent dans cette courte parenthèse de vie d'une femme qui a tout sacrifié pour une lutte qu'elle place au-dessus de tout. Le film met bien l'accent sur le fait que si un homme était dans la même situation, personne ne lui contesterait le droit de mettre sa famille au second plan pour ses idéaux. Ici, le choix à faire est encore plus douloureux car dans un cas, il sera mal compris de ceux-là mêmes qui sont les plus proches de soi. La mise en scène de Ali Samadi Ahadi est peut-être plus convaincante dans les scènes d'action et de suspense mais elle fait globalement bien le travail, dans une nouvelle illustration du courage qui est nécessaire, à l'intérieur même de l'Iran, pour ne pas plier devant un régime aux préceptes d'un autre âge et de plus en plus crispé sur son pouvoir maléfique.
L'amour c'est surcoté de Mourad Winter
L'amour c'est surcoté : Mourad Winter adapte son propre livre et, bien entendu, son titre n'est pas à prendre au premier degré. Tout au contraire, puisqu'il s'agit in fine d'une comédie romantique, formellement et textuellement à mille lieux du New York-Miami de Capra mais qui use fondamentalement des mêmes ressorts. Le film n'est pas si mal en matière de mise en scène mais ce sont ses dialogues et ses situations qui sont peaufinés, avec des punchlines méchantes toutes les deux phrases, dans une crudité parfois trop systématique et un humour qui s'amuse avec le racisme, la misogynie, l'identité sexuelle, etc, d'une façon tellement outrancière qu'elle ne choque point, quoique la surenchère finisse par devenir lassante. Comme de bien entendu, il y a des morceaux de mélancolie et de tendresse dans tout cela, avec les thèmes du deuil et de l'amitié, entre autres, abordés avec un peu de délicatesse, histoire de montrer qu'il y a des sentiments dans un contexte de "Qui aime bien charrie bien." Reste qu'il s'agit d'un produit à consommation immédiate, dans l'air du temps, et dont les mots spécifiques de l'époque seront peut-être incompréhensibles dans plusieurs décennies. Qu'importe, la joyeuse troupe qui anime le film (mentions spéciales à Laura Felpin et à Benjamin Tranié) prend manifestement du plaisir à jouer et le public plus spécifiquement ciblé devrait apprécier, sans modération.
Manas de Marianna Brennand
Marianna Brennand avait pour projet de réaliser un nouveau long métrage documentaire, son troisième, mais l'entreprise s'est révélée impossible à développer, eu égard au caractère intime et dénonciateur des témoignages qu'elle avait recueillis. Le film est donc devenu une fiction mais proche de la réalité observée, avec notamment les frères Dardenne et Walter Salles à la production. Manas trace le portrait d'une jeune fille de 13 ans, Marcielle, au sein d'une famille qui vit au cœur de l'Amazonie brésilienne, au contact d'une nature luxuriante à laquelle la réalisation donne des allures de paradis. Mais c'est plutôt l'enfer que côtoie Marcielle, avec cette alternative dans sa vie entre inceste et prostitution, comme si cette malédiction féminine, à l'âge de la puberté, devait se reproduire de génération en génération. Sur ces maux, la cinéaste met peu de mots et ses images ont aussi une pudeur qui laisse l'innommable hors champ, sans que l'on puisse cependant ignorer sur ce qu'il s'y passe. Le message est d'autant plus fort qu'il ne s'appuie sur aucune complaisance ni voyeurisme, dans une sorte d'ordre des choses inéluctable qui n'en est que plus révoltant. L'interprétation des différentes protagonistes, y compris la mère qui sait tout mais ne peut rien, est absolument remarquable.
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