Thriller des sentiments (Le passé)
La mécanique des films d'Asghar Farhadi, de même que leur intensité émotionnelle, ne varient guère d'une oeuvre à l'autre et la transplantation de son cinéma de Téhéran à la banlieue parisienne, avec le passage du farsi au français, ne change pas la donne, c'est déjà en soi un petit miracle. Le réalisateur construit des thrillers intimes et humains, basés sur les sentiments, où les dialogues font avancer l'action au gré de révélations successives distillées pour parvenir à un suspense à plusieurs niveaux, chaque piste narrative enrichissant la trame originelle. C'est peu de dire que Le passé est un film dense et tendu où le paroxysme est atteint lors de scènes où les mots se catapultent de l'un à l'autre des personnages avec une violence sourde. Chaque protagoniste a ses raisons, ses maladresses, ses oeillères et doit se confronter à ses propres contradictions. Les limites du film viennent du dispositif lui-même, mis en place dans La fête du feu et surtout dans Une séparation et il y a, sans doute, un rebondissement de trop dans Le passé. Défaut véniel dans ce cinéma méthodique, manipulateur comme un film noir, qui se caractérise par une mise en scène fine et une direction d'acteurs fabuleuse. Personne n'est laissé en marge, y compris les enfants dont le regard est sans cesse présent. Dans ce concerto à voix multiples, celle de l'acteur iranien Ali Mossaffa touche le plus profondément. Sa douceur faussement sereine, sa résignation et sa souffrance rentrée, sont d'une incroyable force dans la pudeur des secrets qu'il tait jusqu'à la fin.
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