Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Aux Arcs, etc. (3)

 

Je poursuis mon exploration des films de la compétition avec des oeuvres bosnienne, danoise et espagnole.

 

Quo Vadis, Aida ?, Jasmila Zbanic, Bosnie-Herzégovine.

Srebrenica mon amour. 25 ans après le pire massacre ayant eu lieu en Europe depuis la seconde guerre mondiale, Quo Vadis, Aida ? revient avec une puissance d'évocation inimaginable sur ce crime contre l'humanité. Jasmila Zbanic, qui avait débuté avec le poignant Sarajevo mon amour, et avait plutôt déçu avec ses trois films suivants, a trouvé le ton juste avec un scénario de thriller, une mise en scène tout en tension, et une incroyable capacité à montrer la tragédie sous tous ses aspects. Le choix de faire de mettre au centre une traductrice de l'ONU, par ailleurs mère de famille, permet de vivre de l'intérieur, heure par heure, les événements, avec des casques bleus dépassés et impuissants, des militaires serbes fanatisés et une population bosniaque dans l'attente du pire, entassée dans et au dehors d'un camp, soit autant d'images qui rappellent un autre génocide. La violence se situe hors-champ et l'émotion est maîtrisée jusqu'aux dernières scènes qui montrent les années d'après, celles de l'impossible apaisement et des cicatrices jamais refermées. Aucun moment n'est de trop dans Quo Vadis, Aida ?, intense à chaque minute, cherchant malgré tout une parcelle d'humanité dans l'atroce et inéluctable course vers l'horreur. Outre la performance inoubliable de Jasna Djuricic dans le rôle d'Aida, il convient aussi de saluer le travail admirable du chef monteur polonais Jaroslav Kaminski, qui s'est illustré dans le passé avec November et Cold War, notamment.

Note : 8,5/10

 

Shorta, Frederik Louis Hvid et Anders Olholm, Danemark

Les violences policières ne sont pas une spécificité américaine ni française, y compris quand elles s'accompagnent de racisme et/ou de xénophobie. Shorta, premier long-métrage tourné à 4 mains, s'inscrit en tous cas dans une actualité toujours brûlante et par divers côtés pourrait ressembler à une version danoise des Misérables. Jusqu'à un certain point, puisque dans ce film de genre, avec sa traditionnelle dualité bon flic/mauvais flic, les auteurs s'en réfèrent notamment aux premiers films de Walter Hill. Le commentaire social est présent, avec un récit qui se situe entièrement dans un quartier pas sans cible, comprenez hostile à la police, surtout quand une bavure vient d'être commise. Néanmoins, c'est l'action qui prévaut assez vite, avec ses deux policiers pris au piège dans une véritable souricière. Le film est intense et riche en adrénaline et assume sa subjectivité en épousant la vision des représentants de l'ordre, non sans laisser au spectateur le choix de juger leurs faits et gestes. C'est plutôt malin de la part des réalisateurs même s'ils se montrent un peu moins persuasifs dans les interactions entre les différents personnages. L'on comprend bien que Shorta n'a envie de stigmatiser personne et d'éviter un manichéisme facile mais il en résulte quelques cafouillages narratifs, cependant mineurs, et qui n'altèrent l'efficacité de l'ensemble que de façon minime. Toutefois, ce n'est pas être chauvin que d'affirmer que Les misérables se situe bien au-dessus de Shorta, de par son ampleur et de par son ambition.

Note : 6/10

 

La ultima primavera, Isabel Lamberti, Espagne

La ultima primavera, le premier long-métrage d’Isabel Lamberti, reconstitue des faits réels avec les personnes qui les ont subis. A savoir l'expulsion du bidonville où elles habitaient depuis longtemps, près de Madrid, et la destruction de leur maison, qu'ils avaient construite eux-mêmes. C'est du cinéma-vérité mais remodelé par la fiction et la première question qui se pose est simplement : pourquoi ne pas avoir tourné un vrai documentaire ? Il y a quelque chose de gênant à voir les protagonistes "jouer" leur propre histoire même si l'on comprend bien les intentions de la réalisatrice qui sont de montrer comment cette famille et la communauté qui partageait cet endroit vivaient heureuses, sans rien demander à personne, et au-delà des clichés attachés pour la plupart des gens à cette idée de "bidonville." Hélas, du point de vue cinématographique, La ultima primavera ne présente guère d'attraits : son écriture est confuse, passant d'un personnage à un autre, sans que l'on sache précisément qui est qui ; difficile aussi de comprendre comment ils gagnent leur vie alors qu'ils mènent une existence loin d'être misérable. La mise en scène est volontairement terre-à-terre, proche physiquement des hommes, des femmes et des enfants mais qui ne nous sont pas pour autant rendus sympathiques, si ce n'est par leur sincérité, évidente. Pour laquelle, néanmoins, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle est "reconstituée." On touche là aux limites de cette docufiction qui séduira peut-être les amateurs du genre.

Note : 3,5/10

 



16/12/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 51 autres membres