Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Regarde les hommes se relever (De rouille et d'os)

Regarde les hommes tomber. Et, ... se relever. C'est ce qui intéresse Audiard depuis son premier film et il n'a pas dévié d'un iota dans cette idée qu'au plus profond de la piscine reste un espoir et une volonté de remonter vers le surface. Avec l'aide de quelqu'un d'autre, c'est encore mieux. Au gré des films, davantage sur le mode policier, le cinéaste s'est renouvelé tout en gardant cette thématique peu ou prou au coeur de ses scenarii. Avec De rouille et d'os, il s'attaque au mélodrame, genre casse-gueule par excellence, et qu'il semble aborder avec des pincettes dans un premier temps, avant de se libérer lors de la première scène de sexe, précédée d'une touche d'humour, qui arrive juste à temps. Il y a là un bon quart d'heure de grâce pure avec son héroïne mimant des gestes sur son balcon avant de retrouver un orque pour un ballet divin. A partir de ce moment, plus de faute de goût, ou plutôt si (l'accident de l'enfant) mais sans importance eu égard à la puissance narrative que le film a accumulé depuis le départ. Le train est lancé à vive allure et rien ne l'arrêtera. Petit flashback : le talent d'Audiard est résumé dans la première minute du film. Un type avec un gosse sur le dos (une image que l'on retrouvera plus tard), puis dans le train, un oeil sur la carte ferroviaire avant de faire les poubelles du compartiment pour pouvoir manger. C'est fait, avec une économie de moyen et de temps, on a en mains tous les traits de caractère du personnage principal du film. Cela s'appelle de la maîtrise. D'autant que pour le portrait de sa partenaire, dont la psychologie est bien plus complexe, le réalisateur la joue volontairement flou : que fait-elle dans cette boîte de nuit alors que son compagnon est à la maison ? Qui est-elle vraiment cette dresseuse d'orques ? Mystère. Toujours est-il que c'est dans l'échange de fluides que la remontée à la surface prend corps, si l'on ose dire. Et qu'à partir de cette première séance "opérationnelle", la lumière revient. De son côté à elle, en tous cas. Pour lui, ce sera plus long et c'est l'éclopée qui viendra au secours du valide. Détourné et escamoté, le mélo est bien là et on sait combien l'on peut faire du sublime dans ce registre en capitalisant sur les aléas de nos misérables existence. Il faudrait aussi évoquer le sens des ellipses d'Audiard, mais ce n'est pas nouveau chez lui et il a fait encore bien mieux avec De battre mon coeur ... Maintenant, n'oublions pas que le film nous parle d'une histoire d'amour entre une femme privée de ses jambes et d'un type plutôt bas du front. Pas folichon, sur le papier, et sans compassion apparente. Le sentiment est souterrain, évidemment, et très différent de la pitié que l'on pourrait éprouver pour ces personnages peu "reluisants". Matthias Schoenaerts est impeccable, c'est évident, mais il lui reste à prouver, après Bullhead, qu'il peut jouer autre chose qu'un animal sauvage. Marion Cotillard, c'est différent. Dans la nudité de son rôle, elle se réinvente et a les accents d'une Françoise Dorléac, dans une palette large d'expressions et de sentiments. Tant pis pour les allergiques à l'actrice, elle est merveilleuse. Alors oui, De rouille et d'os est loin d'être un film parfait. C'est un morceau de cinéma monstrueux, râpeux et loin d'être aimable. C'est comme ça qu'Audiard filme depuis Regarde les hommes tomber. Mais il n'oublie jamais de les relever avec dignité et orgueil. Et c'est à prendre ou à laisser. Et quand on aime, on adore. Point final.

 




21/05/2012
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