Cinéphile m'était conté ...

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Plein la vue du côté d'Arras (2)

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Première journée complète à Arras. L'attente la plus grande était pour Paterson de Jim Jarmusch et il n'y eut pas de déception. Quelle merveille ! Mais le voyage comprenait aussi des escales en Espagne, Italie, Belgique et Australie. Plein la vue, oui.

 

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L'exil (El destierro), Arturo Ruiz Serrano, Espagne.

Point n'est besoin de créer un dispositif gigantesque pour cerner les enjeux de la guerre d'Espagne. Arturo Ruiz Serrano, avec son premier film El destierro, le fait très bien en adoptant une intrigue minimale, réduite à la cohabitation forcée entre deux soldats nationalistes et une "rouge" étrangère, dans un lieu isolé, loin des fracas des combats mais soumis à leurs conséquences. Le film utilise à merveille les conditions climatiques extrêmes d'un hiver au coeur des montagnes, pour initier une atmosphère claustrophobe, avec un danger qui peut surgir à l'improviste. El destierro compense le manque d'action par l'évolution psychologique de ses personnages, à l'exclusion de tout manichéisme. Le film est particulièrement intéressant pour la qualité de ses images, comme un noir et blanc rehaussé de maigres couleurs, et sa bande sonore créatrice d'angoisse ou de sérénité. Une variation originale sur cette guerre qui n'en finit pas d'inspirer les cinéastes espagnols.

 

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La fille du monde (La ragazza del mondo), Marco Danieli, Italie
Pour les témoins de Jéhovah, le "monde" est constitué de toutes les personnes qui ne font pas partie de leur communauté et qu'il faut éviter le plus possible de fréquenter. La fille du monde, premier film de Marco Danieli, a été inspiré par le cheminement de l'une des amies du réalisateur. On peut reprocher au métrage une certaine linéarité mais c'est à ce prix qu'il permet de saisir le combat d'une jeune femme pour acquérir sa liberté. Les témoins de Jéhovah sont assez souvent caricaturés au cinéma, pour une fois  ils ont droit à un traitement honnête même si, sans doute ils ne seraient pas de cet avis. Film sur la foi mais surtout sur les choix à faire dans une vie, pour s'émanciper et trouver sa voie. L'aspect romanesque du film est fort, excessif parfois, mais son honnêteté intellectuelle n'est pas en cause. Il est en tous cas défendu par une interprète convaincante, Sara Serraiocco.

 

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Noces, Stephan Streker, Belgique, sortie le 22 février 2017
Si le crime d'honneur a inspiré nombre de films et pas des plus mauvais (L'étrangère), Noces raconte autre chose : le poids des traditions (dans la communauté pakistanaise de Belgique) face à un amour partagé et très fort des membres d'une famille. Le film cherche à ne pas juger, partant du principe cher à Renoir que "chacun a ses raisons." C'est sa plus grande qualité adossée à une grande fluidité dans sa narration. En revanche, on lui reprochera d'avoir privilégié les très gros plans, principalement de son héroïne, empêchant de prendre davantage de recul vis-a-vis du sujet, déjà très dramatique. Le réalisateur parle de tragédie grecque, non pas créée par des monstres mais par une situation inextricable. On ne peut mieux dire pour qualifier un film pas tout à fait parfait mais qui a le mérite et l'élégance de laisser au spectateur la plus grande liberté de fonder sa propre opinion.

 

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Tanna, Martin Butler, Bentley Dean, Australie, sortie le 16 novembre
Les réalisateurs australiens Bentley Dean et Martin Butler sont allés planter leur caméra au Vanuatu et ont demandé à une tribu aborigène, l'une des dernières à observer des règles ancestrales, de jouer une histoire devenue légende, vieille d'à peine trente ans. Il y est question de mariage arrangé et du refus de deux amoureux de s'y plier. Pas question de postuler à un prix d'interprétation pour les "acteurs" de Tanna et inutile d'attendre des dialogues ciselés. La mise en place est un peu longue mais une fois l'intrigue amorcée, le film tient ses promesses. Avec des paysages somptueux où un volcan se distingue par ses effets pyrotechniques. Mais aussi par sa narration simple et honnête et son respect de coutumes qui, à nous, enfants de la prétendue civilisation et de l'économie de marché fera se poser quelques questions sur le sens de notre mode de vie. Et cela ne peut pas faire de mal.


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Paterson, Jim Jarmusch, Etats-Unis, sortie le 21 décembre

Le dénommé Paterson habite dans la ville de Paterson dans le New Jersey et son livre de poèmes préféré a pour titre Paterson. Comme le film de Jim Jarmusch, bien entendu, qui grappille les petits bonheurs des journées que d'aucuns trouveraient insipides : des rencontres, une conversation dans un bar, des coïncidences troublantes, des mots pour un poème, le regard de son chien. Bref, des petits riens qui sont pour beaucoup dans la fantaisie et le joli sens de l'absurde que cultivent cet orfèvre de Jarmusch. Le très lunaire Adam Driver et la délicieuse Golshifteh Farahani nous guident, l'un au volant de son bus dans les rues de Paterson, l'autre à la maison, dans un univers drolatique mais cohérent, où la répétition d'une certaine routine ne s'avère jamais fastidieuse, loin de là. Car il suffit de peu de choses pour changer la perspective et découvrir de nouveaux détails. La mise en scène de Jarmusch est d'ailleurs formidable sans pour autant être voyante, restant modeste mais oh combien imaginative, filmant souvent les mêmes actions mais jamais de la même façon. Il se dégage de l'ensemble une sérénité et une douceur fantastiques au point que l'on aimerait que le film dure 5 heures, tellement on est bien dans cette petite ville de Paterson avec Adam, Golshifteh, leur bouledogue, les piliers de bar et tous ces inconnus croisés au hasard des situations.



06/11/2016
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