Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Parfaitement Alès (7)

 

L'odeur du vent de Hadi Mohaghegh

La lenteur est une composante indispensable de L'odeur de vent, tourné uniquement en plans fixes, et, loin de susciter l'ennui, permet au contraire de comprendre le rythme des jours, dans des lieux très isolés d'Iran. Les paysages sont splendides, entre montagne et plaine verdoyante mais la nature rend tout déplacement compliqué, sans l'aide d'autrui. Le film part d'une banale panne de transformateur, proche d'une maison au milieu de nulle part, et va entraîner un souffle de générosité entre inconnus qui n'auront de cesse de s'entraider. L'odeur du vent ne cède à aucune grandiloquence et se savoure scène après scène, dans une simplicité et une humanité belles comme dans un film de Kiarostami. Le personnage principal du film, électricien de son état, est joué par le réalisateur lui-même, Hadi Mohaghegh. Point n'est besoin de savoir qui il est, il suffit de le suivre dans ce qui devient une sorte d'épopée, un éloge de la bonté pure, à partir d'actes pour autrui, lesquels ne demandent ni rétribution, ni contrepartie. Passé par les festivals de Busan en Corée, puis par Nantes et Alès, L'odeur du vent a la fragilité et la force des fables intemporelles et universelles. Dans un monde où avoir est plus important qu'être, cette petite leçon d'humanisme fait vraiment du bien, y compris pour sa candeur au grand cœur.

 

 

Love Life de Kôji Fukada

On ne sait ce qu'il faut admirer le plus dans Love Life, le dernier opus (majeur) de Kôji Fukada : la dentelle de son écriture ou la splendeur de sa mise en scène ? Les deux, évidemment, dans ce film qui fait ressentir de façon si poignante l'impression de perte, que ce soit pour une rupture amoureuse ou, pire, pour un deuil accompagné d'un sentiment de culpabilité. Tout s'imbrique de façon harmonieuse, si l'on ose dire, dans le chaos que devient la vie d'un couple à la suite d'un événement terrible. Le film n'a pas besoin de flashbacks pour distiller les chagrins d'un passé qui remontent à la surface. Ce sont de petits détails qui font souvent sens : la fuite d'un chaton, le reflet du soleil sur un disque, un déménagement, etc. La finesse du récit, qui plonge au plus intime de ses personnages, est confondante, sans qu'il n'y ait pourtant trace de pathos ou, à l'inverse, de mièvrerie. Tout sonne juste, dans un savant équilibre entre drame, comédie et romantisme. Et le film n'a pas son pareil pour montrer que tout peut vaciller en un instant et que l'on ne connait jamais complètement celui ou celle avec qui on partage sa vie. Ne pas oublier non plus la portée sociale de Love Life avec la difficulté de mener une vie de mère célibataire ou encore la situation des sans-abris, thèmes que le réalisateur rattache de manière intelligente à son scénario (même remarque pour la langue des signes, élément important de l'évolution dramatique du film). A 43 ans, Kôji Fukada est déjà l'auteur d'une filmographie abondante et brillante. Et si, avec Love Life, il venait de signer son meilleur long-métrage, à ce jour ?

 

 

Les âmes soeurs de André Téchiné

Parmi les cinéastes français qui ont émergé dans les années 70 (Tavernier, Miller, Corneau, ...), André Téchiné reste l'un des rares survivants, régulièrement actif, et parmi ceux dont il est inutile de s'interroger sur la qualité de ses réalisations. Les acteurs, et encore plus les actrices, l'adorent et il leur rend bien, en leur offrant des rôles fins et sensibles. Dans Les âmes sœurs, qui ne déparera pas dans sa filmographie, ce n'est pas tant l'amnésie que la relation entre un frère et un sœur qui est en jeu, un lien troublant que Téchiné explore avec une délicatesse et une sérénité dignes d'un Louis Malle. Au fil des années, son cinéma s'est épuré et a acquis une concision nouvelle (que l'on se souvienne du côté ampoulé de Barocco ou des Soeurs Brontë, par exemple), sans perdre de sa belle intensité psychologique. L'élégance est l'un des traits caractéristiques de la mise en scène de Les âmes sœurs, dans un cadre naturel qu'il chérit : les Pyrénées. Tous les personnages possèdent une dose non négligeable d'ambigüité, à commencer par ceux du duo principal mais le cinéaste sait aussi donner du sens à ceux qui les côtoient, tels le voisin désabusé (André Marcon, remarquable) ou la mairesse (Audrey Dana). Benjamin Voisin et Noémie Merlant, deux des plus éminents talents ayant éclos ces dernières années, font merveille, de par leur alchimie évidente, dans ce splendide concerto pour cordes sensibles.

 

 

 

 



03/04/2023
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