Intermède au Cinemed (2)
Trois films, ce jour, à mon menu. Rien de stupéfiant mais des voyages agités au Maroc (Mica), au Liban (Sous le ciel d'Alice) et en Syrie (Flashdrive). Avec de beaux portraits de femmes puissantes.
Mica, Ismaël Ferroukhi
Mica, petit vendeur à la sauvette de Meknès, doit aider financièrement sa famille. Garçon à tout faire dans un club de tennis huppé de Casablanca, il est remarqué par une professeure du club. Tant que le film d'Ismaël Ferroukhi évoque les fractures sociales au Maroc et les humiliations que doit subir un gamin qui a eu la malchance de naître miséreux, il est relativement convaincant. Il l'est moins quand il épouse le schéma classique du talent inné (ici pour le tennis) qui permet de vaincre les préjugés. Là, Mica, qui parle aussi de l'envie des jeunes marocains de "brûler les frontières"en rejoignant l'Europe, ressemble davantage à une sorte de conte de fées, avec les clichés attenants. Toutefois, le scénario ne semble pas être totalement dupe de ces poncifs et s'appuie sur la belle énergie de son jeune interprète, Zakaria Inan, et de la lumineuse présence de Sabrina Ouazani pour minimiser les reproches que l'on peut faire à son intrigue.
Sous le ciel d'Alice, Chloé Mazlo, sortie le 24 février 2021
Durant toute son enfance, Chloé Mazlo a beaucoup entendu parler du Liban dans sa famille, tel qu'il était avant la guerre civile qui a débuté au milieu des années 70. Un pays de cocagne synonyme de dolce vita qu'elle a longtemps fantasmé avant de lui consacrer son premier long-métrage, Sous le ciel d'Alice. A travers l'histoire d'amour d'une jeune nurse venue de Suisse avec un astrophysicien libanais, le film séduit dans un premier temps par sa fantaisie débridée et colorée, qui passe notamment par des scènes d'animation absolument charmantes. Le ton change évidemment quand il s'agit d'évoquer les années de guerre mais Sous le ciel d'Alice ne cède pas au naturalisme, traitant le sujet de manière décalée et souvent amusante. Cette tentative de légèreté continue dans la forme est nettement moins concluante plus le film avance bien que la mélancolie sous-jacente ne laisse pas insensible. Mais dans ces moments-là, si la mise en scène reste d'excellente tenue, la direction d'acteurs semble moins opérante. Ce n'est pas un réel problème pour le jeu d'Alba Rohrwacher, toujours délicieusement retenu, mais ce l'est davantage dans le cas de Wajdi Mouawad, plutôt décevant, dont le côté lunaire s'accompagne hélas d'un soupçon de mollesse.
Flashdrive (Flasbellek), Dervis Zaim
Les films qui ont pour sujet la situation en Syrie, qu'ils soient documentaires ou œuvres de fiction, le font assez souvent en évoquant le sort des réfugiés. Le cinéaste turc Dervis Zaim, qui a déjà une carrière imposante derrière lui, avait la volonté de le traiter autrement, dans un style qui le rapproche du thriller mais en rendant compte le plus fidèlement possible du chaos inextricable qui règne entre les différentes factions qui s'affrontent. Flashdrive est ainsi bourré de péripéties, plus ou moins crédibles, mais se révèle en même temps très fidèle à la violence sourde (et aveugle) qui ensanglante le pays. Zaim a choisi deux interprètes principaux au physique très agréable mais cette convention ainsi que d'autres concédées au film d'action qu'il est indéniablement, est contrebalancé par un ton parfois ironique et un humour noir très présent. Impossible dès lors de ne pas s'attacher à son héros, qui a la particularité d'être provisoirement muet suite à une fusillade et surtout à son épouse, joli mélange de sensibilité et de force, qui est bien davantage que l'interprète de son mari sans voix. Cette femme à la fois douce, puissante et déterminée est interprétée avec un beau tempérament par Sara El Debuch, une actrice turque dont ce n'est que le second long-métrage mais dont la présence cinématographique est une solaire évidence.
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