Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Parfaitement Alès ! (3)

 

Je poursuis mon périple alésien dans une douce cadence et je suis plutôt satisfait de ce que je vois chaque jour.

 

La troisième guerre de Giovanni Aloi, sortie le 8 septembre.

A quoi peuvent penser les jeunes soldats en treillis qui patrouillent dans nos grandes villes sous l’œil mi-gêné, mi curieux, des passants ? Ces scènes, devenues familières depuis l'instauration du plan Vigipirate et de la mission Sentinelle, caractérisent cette Troisième guerre, celle menée contre le terrorisme. Le film de Giovanni Aloi répond de façon assez précise et documentaire à la question posée plus haut, de la caserne, avec son ambiance parfois potache, à la rue, où il s'agit d'observer et de repérer l'invisible sans se mêler de ce qui regarde plus directement la police (cela se vérifie notamment dans une scène étonnante dans le métro). Humainement, La troisième guerre s'attache plus particulièrement à une jeune recrue, aux traits encore adolescents, qui trouve dans sa mission quotidienne une sorte de caractère sacré. Pendant plus d'une heure, il n'y a pas de véritable intrigue dans le film et il est permis de se demander vers quoi le scénario tend, in fine. La réponse, contenue dans les 20 dernières minutes, est cinglante et fait reconsidérer rétrospectivement tout ce qui nous avait été montré jusqu'alors et fait désormais sens, de manière dramatique. Il faut avouer qu'on n'avait pas forcément vu venir ce suspense terminal haletant et cette tension poussée à l'extrême, malgré quelques signaux éparpillés auparavant. Anthony Bajon, qui commence à avoir une filmographie imposante, montre une palette de jeu impressionnante, si l'on considère par exemple ses rôles dans La prière et dans Teddy. Karim Leklou et Leïla Bekhti livrent des prestations plus attendues mais très solides dans ce deuxième long-métrage de Giovanni Aloi, un réalisateur italien qui a suivi une formation en arts plastiques à Paris et qui montre une habileté peu commune à manier successivement l'anodin, le rigoureux et le tragique.

 

L'oubli que nous serons (El olvido que seremos), Fernando Trueba, sortie le 9 juin.

Grand écrivain colombien, Héctor Abad a raconté l'existence de son père, qui avait le même prénom, dans un roman remarquable, L'oubli que nous serons. Le film qui porte un titre identique, réalisé par Fernando Trueba, est une adaptation d'une fidélité prodigieuse, hommage qui peut sembler parfois désarmant de candeur, d'un fils qui le voyait comme un héros du quotidien, un médecin et professeur humaniste dont la probité et les combats pour les plus démunis ne pouvaient que lui valoir de nombreux ennemis dans un pays, la Colombie, où la violence n'est jamais très loin. L'oubli que nous serons est le portrait d'un homme de bien, un idéaliste et un libre penseur, une sorte de chevalier blanc à Medellin, la ville de tous les dangers et de toutes les corruptions. La reconstitution des années 70 et 80 est somptueuse, avec des couleurs chatoyantes et une mise en scène élégante. Oui, il y a sans doute une part de naïveté dans ce portrait d'un incorruptible mais elle s'explique et se justifie par le regard d'enfant qui est porté sur un père, au travers d'une vie familiale heureuse et harmonieuse, le jeune Héctor grandissant auprès de sœurs plus âgées que lui. Malgré un destin que l'on devine assez tôt tragique pour le principal protagoniste de cette histoire, il y a une grande douceur dans le film et une certaine idée du bonheur, des caractéristiques que l'on retrouve assez peu souvent accolées à l'image habituelle de la Colombie. L'oubli que nous serons est un film qui fait du bien et ravit l’œil même s'il débouche inéluctablement sur un drame. Héctor Abad n'a pas oublié son père et nombreux sont ceux désormais qui auraient aimé côtoyer sa lumineuse aura.

 

 



08/06/2021
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