Parfaitement Alès ! (2)
Le Festival d'Alès se poursuit tranquillement pour moi, au rythme d'un film par jour. C'est peu mais c'est bien pour reprendre en douceur après une longue frustration.
Le Discours, Laurent Tirard, sortie le 9 juin
Il existe un certain consensus sur la question : la réussite d'une comédie tient en grande partie à son rythme comme l'ont démontré Feydeau, Lubitsch ou Rappeneau, par exemple. L'adaptation de la BD de Fabcaro, jugée impossible, y compris par son auteur, joue beaucoup sur cet élément primordial, avec un va et vient incessant entre un repas de famille typique, avec une caractérisation des personnages très précise, des flashbacks illustrant avec fantaisie le propos du narrateur et même des projections sur l'avenir avec plusieurs versions potentielles du fameux discours de l'intéressé au mariage de sa sœur. Tout est mis en situation et en abyme dans le film avec son héros qui se démultiplie, fige son entourage et se dédouble parfois physiquement. Là où le réalisateur, Laurent Tirard, brille c'est dans le prolongement visuel des mots, aux dialogues acérés répondant des effets simples mais renouvelés pour jouer avec les limites de l'absurde, rappelant parfois le cinéma de Bertrand Blier. Le tout, en cherchant à ne pas ressasser dans les mises en place des différentes scènes mais en prolongeant parfois certains gags, des répétitions légères comme autant de clins d’œil appuyés au public. Le Discours fonctionne également parce qu'il parle de sensations familières, éprouvées par tout un chacun que cela soit en famille, en couple ou dans certains événements sociaux. Enfin, si le comique prédomine, pas question de négliger l'émotion, bien présente et intelligemment dosée. La verve de Benjamin Lavernhe était déjà bien connue mais ce stradivarius a aussi besoin d'être dirigé et Tirard réussit parfaitement à exploiter son talent sans le laisser pour autant en roue libre. Au fond, Le Discours ne dit rien de vraiment neuf sur les conventions sociales, les désordres familiaux et les aléas de la condition amoureuse mais son ironie permanente et futée, sans une once de vulgarité, atteint tous ses objectifs de distraction intelligente. Il n'y a pas beaucoup de comédies françaises du 21ème siècle qui peuvent prétendre se hisser à ce même niveau d'efficacité et d'acuité.
Residue, Merawi Gerima, sortie le 13 octobre
Merawi Gerima, le réalisateur de Residue, a de qui tenir, fils de Hailé Gerima, cinéaste d'origine éthiopienne, naturalisé américain et auteur, notamment, de Teza. Son premier long-métrage, avec quelques éléments autobiographiques, est à la fois un manifeste politique engagé (pas frontalement, quoique) mais aussi une œuvre en partie expérimentale. Cette histoire de retrouvailles du héros du film avec le quartier où il a grandi, à Washington, est l'occasion d'évoquer une gentrification à marche forcée, avec des blancs "colonisateurs" qui se soucient bien peu des habitants précédents, noirs comme de bien entendu, et désormais quasiment indésirables. Il y a des fulgurances dans Residue, un mélange assez détonant entre un réalisme documentaire et des moments oniriques. Mais il y a aussi des scènes opaques et des personnages surgis de nulle part (la petite amie). Le récit avance dans un certain désordre, porté par l'obsession du protagoniste principal à la recherche de son meilleur ami d'enfance. Disons que Residue dévoile le potentiel énorme d'un cinéaste en devenir mais qui se complait parfois dans des recherches visuelles et sonores qui séduiront sans doute certains spectateurs et en rebuteront d'autres qui se demanderont, peut-être à juste titre, à quoi servent toutes ces expérimentations "arty". Le propos, quand il est clair, se suffit largement à lui-même, sans vouloir à tout prix le conceptualiser et le sertir dans une forme aussi affectée.
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