Cinéphile m'était conté ...

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Nantes sur Croisette (3)

Vie privée de Rebecca Zlotowski

Vie privée, le dernier long métrage de Rebecca Zlotowski était hors compétition à Cannes et cela lui sied parfaitement au teint, tellement le cinéma de la réalisatrice aime à emprunter des sentiers tortueux plutôt que balisés. Cela pourrait ressembler à une sorte d'Anatomie d'un suicide mais ce serait mal connaître la cinéaste que de la voir renoncer à la fantaisie qui caractérise son œuvre, jusqu'au loufoque, parfois, même si son sujet semble des plus sérieux, au départ. En l'occurrence, tout va de mal en psy pour une thérapeute un brin coincée et qui va nécessairement s'ouvrir à de nouveaux sentiments, à mesure que son enquête sur sa cliente décédée devient quelque peu baroque mais aussi impliquante dans sa propre existence. Jodie Foster est comme attendu absolument remarquable, avec plusieurs couches de nuances, mais elle est extrêmement bien entourée, de Vincent Lacoste, notamment, mais surtout d'un Daniel Auteuil impérial et chaleureux. On en accepte d'autant mieux les circonvolutions d'un scénario qui semble parfois, pas trop souvent mais quand même, s'empêtrer dans son propre délire. Mais Rebecca Zlotowski s'autorise à peu près tout ce que son imagination lui suggère et elle sait qu'avec de tels interprètes, tout passera, ou presque, comme une lettre à la poste.

 

Les aigles de la République de Tarik Saleh

C'est un fait : Les aigles de la République est moins spectaculaire et bien moins prenant que La conspiration du Caire et ses dernières séquences, certes brillantes mais démonstratives, laissent sur une impression un tantinet mitigée. Autre déception : le rôle trop maigre confié à Lyna Khoudri, dont le talent méritait mieux. Mais voilà, Les aigles de la République est un film d'hommes, puisqu'il montre les coulisses du pouvoir d'un régime égyptien aux allures de dictature, que le prisme fictif du plus grand acteur du pays, véritable pharaon de l'écran, permet de cerner avec une efficacité implacable. Le réalisateur, Tarik Saleh, lâche ses coups avec brio, dans cet univers corrompu où certaines offres ne se refusent pas, même quand on est une star adulée. Le film tourne en ridicule cette pantomime et l'on en rit bien volontiers car le récit est très malin et cinglant, même si la situation est des plus désespérantes, pour ne pas dire plus. La dénonciation politique est criante de vérité et le film s'en éloigne parfois avec des scènes plus sentimentales qui ne sont cependant pas les plus probantes. Mais Fares Fares reste toujours aussi charismatique, dans un rôle pas si simple à jouer, auquel il apporte toute l’ambiguïté nécessaire, ne craignant même pas les moments comiques où le pharaon semble plus proche d'un citoyen servile et pas loin d'être grotesque.

 

The Chronology of Water de Kristen Stewart

A première vue et dès ses images inaugurales, The Chronology of Water semble épouser in extenso, ou presque, toutes les caractéristiques du premier long métrage à visées auteuristes, tendance doloriste. Un récit fragmenté, un maelström d'images parfois subliminales, une voix off, de lourds traumas d'enfance, des abus de substances diverses : n'en jetez plus, l'arrière-cour est pleine. Et en tant que vecteur commun, l'eau fait parfaitement l'affaire, symbole parfait pour laver dans des profondeurs chlorées un mal-être qui s'écoule comme une plaie d'hémophile. D'accord, mais derrière ce maniérisme évident, l'on éprouve pourtant une certaine fascination pour la paradoxale recherche d'authenticité qui finit par s'imposer, peu ou prou, dans cet ensemble narratif pourtant bien peu étanche. L'envie d'exprimer une rage de filmer transparaît dans la mise en scène qui se veut radicale de Kristen Stewart, à la fois provocante et pudique, et ne demandez pas comment elle y parvient, de temps à autre. Si le flot du film avait été quelque peu régulé, voire domestiqué, il est certain que le résultat n'aurait pas été aussi marquant, en dépit des défauts ou plutôt des tics déjà énoncés. Dans ce bain à remous, Imogen Poots fait mieux que surnager, sa performance est presque de l'ordre du miracle.

 



25/05/2025
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