Nantes sur Croisette (2)
Le roi soleil de Vincent Maël Cardona
Une fois posé le fait que le préambule et la conclusion du film sont quelque peu hors sujet, hormis le fait qu'ils se déroulent au château de Versailles, il faut bien accorder au deuxième long métrage de Vincent Maël Cardona un certain savoir faire pour nous entraîner dans son sillage ludique, où toute histoire possède des versions dissemblables, quitte à rejouer les scènes dans un espace-temps qui balbutie. Et vices et Versailles, donc, dans ce huis-clos à l'intérieur d'un bar-tabac de la cité royale. Certains cinéphiles se souviendront peut-être du délicieux Antoine et Antoinette de Jacques Becker où un billet de loterie jouait un rôle d'importance mais Le Roi Soleil n'en est pas le remake, évidemment, plutôt une farce noire avec des cadavres pas toujours exquis à comptabiliser. La maîtrise n'est pas totale, c'est certain, dans cette histoire à tiroirs mais aucun ennui ne s'en dégage non plus, alors qu'il s'agit bien d'un exercice de style dans lequel d'ailleurs aucun rôle n'est véritablement mis en avant. On y trouve un Pio Marmaï plutôt sobre et une Maria de Medeiros très drôle, entre autres, dans cet exercice collectif où chacun a sa minute de gloire, si l'on ose dire. Pas mal, mais aurait pu mieux faire a t-on envie de pérorer, en regrettant peut-être qu'il n'y ait pas eu davantage d'audace dans l'écriture du scénario.
Fuori de Mario Martone
Goliarda Sapienza, un nom d'autrice très célèbre désormais en Italie mais dont le livre majeur, L'art de la joie, ne fut édité que des années après sa mort. Fuori est l'occasion de découvrir qui était cette femme, par le biais d'un film impressionniste, qui ne prend en compte que deux périodes de son existence, en prison puis libre, avec les contacts qu'elle avait gardé avec d'autres taulardes. Ces dernières années, si ce n'est pas Bellocchio ou Moretti, c'est Mario Martone qui représente l'Italie, en compétition à Cannes et son dernier film, qui ressemble un peu à un puzzle, ne fait rien pour se faire aimer, même s'il s'agit du premier biopic de l'écrivaine, si tant est qu'il en ait les caractéristiques. Sapienza est une héroïne insaisissable, elle qui figura en tant qu'actrice de second plan dans le Senso de Visconti, entre autres, avant de se consacrer à la littérature, avec l'insuccès que l'on sait, jusqu'à la gloire posthume. Valeria Golino joue avec la classe qui lui est coutumière cette voleuse, de bijoux, une fois, mais surtout des mots des autres, en prise directe avec l'Italie des années 70 et 80 et la période des attentats. Fuori est un film indolent, qui se mérite, et sans doute que Marco Bellocchio, encore lui, en aurait fait quelque chose de plus prenant. Mais le travail de Martone reste plus qu'estimable, à la rencontre d'une grande dame, anti-conformiste, qui ignorait elle-même ce que la postérité lui réserverait.
La petite dernière de Hafsia Herzi
La petite dernière est sans conteste le meilleur film réalisé par Hafsia Herzi et il semble plus que probable qu'elle fera encore mieux dans le futur, sachant qu'elle a autant de courage que de talent. Le secret de Fatima, qui conditionne tout son film, marque par la volonté de la cinéaste de signer un film apaisé même si le sujet pourrait indiquer le contraire et si l'héroïne du film n'avait pas à mentir à ses proches, quant à son choix de vivre selon sa véritable nature. Hafsia Herzi filme au plus près de ses personnages, à commencer par Fatima, dans des gros plans continuels qui sont le contraire de l'impudeur, en tant que recherche d'une géographie des sentiments, qui met en lumière, plus particulièrement, l'ensemble de ses actrices, toutes formidables, dans le sillage de Nadia Melliti, impressionnante de retenue expressive, si l'on ose dire. Rappelons que le film est l'adaptation d'un monologue du registre de l'autofiction, signé de Fatima Daas. Le long métrage réussit à lui garder son caractère réaliste tout en affirmant une singularité romanesque, qui dépasse largement la moyenne des récits d'apprentissage qui alimentent constamment le cinéma. Émouvant sans mièvrerie et tranquille dans son audace, La petite dernière transcende son sujet et lui confère une vérité sans fard.
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