Les tribulations d'un cinéphile à La Rochelle (1)
Scène 1 :
Un grand Amour ?
L'excitation, toujours. Dévorante, exigeante, intimidante. A l'arrivée à La Rochelle, chaque année, fin juin, elle est toujours la même. Et cette routine rassurante : laisser la voiture au parking, débarquer à l'hôtel (de la Paix,chambre 29, sous les combles), se faire accréditer, s'alimenter de sandwiches et de coca light. Côtoyer touristes, autochtones et festivaliers, dans les rues piétonnes, jusqu'au vieux port. L'excitation, toujours.
Ce soir, ouverture du festival avec rien moins que la Palme d'or de Cannes. J'arrive 2 heures 30 avant la séance. Déjà 4 têtes connues, celles de cinéphiles avec lesquels j'ai plaisir à discuter. Je ne connais pas leur nom, à peine leur métier, qu'importe, la conversation reprend là où elle s'est arrêtée l'année précédente. A propos de cinéma, récent ou plus ancien, mais pas seulement. Nous sommes les tous premiers dans une queue qui n'en finit pas de s'allonger. 150 minutes à attendre ? Elles vont passer en un rien de temps !
Dans la salle, après les discours officiels, quelques personnalités montent sur scène : Michel Ciment, Mathieu Demy, Emmanuelle Riva et la sublime Anouk Aimée, qui viendra s'asseoir ensuite non loin de moi.
Amour de Michael Haneke : sortie le 24 octobre.
Des policiers fracturent une porte d'appartement et découvrent une femme décédée depuis plusieurs jours déjà. C'est le premier plan du film de Haneke. Amour raconte les mois qui ont précédé. La vie d'un vieux couple, la maladie de l'un, comment l'autre va l'assister, s'indigner, se résigner. Chronique d'une disparition annoncée. S'il filme avec la même précision clinique que d'habitude, Amour est sans doute l'oeuvre la plus humaniste et compassionnelle de la carrière du cinéaste autrichien. Certaines scènes sont à la limite du supportable, celles où la souffrance physique est trop forte, où l'agonie est trop lente. Laissons planer le mystère, il est hors de question d'en dire plus, si ce n'est que tout se passe en intérieurs et que Haneke alterne gros plans et plans fixes, dans une économie de moyens intégrale. Emmanuelle Riva est prodigieuse, Trintignant est admirable. S'il n'y a pas de chantage à l'émotion, le film est cependant insistant sur le naufrage d'un corps. Sans doute trop. Le mot amour n'est jamais prononcé. Ce n'est pas nécessaire, il est implicite dans cette longue relation de couple que seule la mort va interrompre. Palme d'or méritée ? Difficile de se prononcer avant d'avoir vu davantage de films de la compétition cannoise. C'est un Haneke plus intime, moins riche de thématiques que Le ruban blanc, impressionnant de maîtrise mais qui a, aussi, ce défaut récurrent du réalisateur de vouloir absolument mettre le spectateur mal à l'aise. On en reparlera.
Demain : des "vieilleries" (Walsh et Tulio) et des avant-premières : Holy Motors et Le jardin d'Hanna
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