La Rochelle, ma belle (3)
Après l'orage, aujourd'hui, on respire. Revoir Sourires d'une nuit d'été dans une version restaurée est un plaisir. Au programme également : Sofia (bien) et Le poirier sauvage (magnifique).
Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende), Ingmar Bergman, 1955
Le succès critique de Bergman commença à prendre forme à partir de Sourires d'une nuit d'été qui est bien loin de l'image austère le plus souvent accolée au maître suédois. De là à la considérer comme une comédie légère, il y a un pas. Il s'agit plutôt d'un marivaudage cruel assez souvent théâtral (dont l'art avait la préférence de Bergman sur le cinéma, ne l'oublions jamais). Pour être caricatural, on dira que les hommes y sont cyniques et arrogants, les femmes instables et superficielles. On n'est pas loin du jeu de massacre mais le film se termine tout de même par un hymne à la vie donc tout n'est pas désespéré. On prend du plaisir à revoir ce classique avec quelques uns des acteurs fétiches du cinéaste dans une copie restaurée et sur grand écran.
Sofia, Meryem Benm'Barek, sortie le 5 septembre
150 femmes célibataires stigmatisées accouchent chaque jour au Maroc. Sofia est l'une d'elles dans le premier film de Meryem Benm'Barek qui semble emprunter la voie de la dénonciation des violences faites aux femmes avant de développer une thématique sociale plus complexe qu'il n'y parait de prime abord. Le film n'est pas exempt de défauts d'un pur point de vue cinématographique : faiblesse de l'interprétation à l'exception de la cousine de l'héroïne (incarnée par la très prometteuse Sarah Perles), mise en scène sans éclat, twist final tiré par les cheveux. Malgré tout, Sofia mérite l'attention au même titre que le tunisien La belle et la meute, par exemple, au sujet peu éloigné. Pour son intensité de thriller, son caractère ramassé (1h20 seulement) et pour cette dimension sociale élargie, on y revient, qui montre bien les petits arrangements avec la vérité (ou avec l'argent, ce qui revient au même) qui font des victimes collatérales et pas seulement dans la population féminine. En dépit de ses imperfections, il est à espérer que Sofia soit le plus largement vu et en particulier au Maroc.
Le poirier sauvage (Ahlat agaci), Nuri Bilge Ceylan, Sortie le 8 août
Nuri Bilge Ceylan est revenu bredouille du dernier Festival de Cannes, une première pour le cinéaste turc, palmé notamment en 2014 pour Winter Sleep. Et pourtant, Le poirier sauvage est bien meilleur que son prédécesseur sur bien des plans. Par son accessibilité, tout d'abord, car le film malgré sa durée habituelle pour Ceylan (plus de 3 heures) est moins contemplatif et, au contraire, frise la surcharge en dialogues d'ailleurs plus triviaux qu'à l'accoutumée. Il n'empêche que certaines conversations, appuyées par une mise en scène époustouflante (celle de trois hommes dont deux imams, en particulier) sont passionnantes à suivre. Localisé dans un petit village de la province de Çanakkale, dans les Dardanelles (célèbre pour le site archéologique de Troie), le film tisse sa toile autour des relations entre un garçon fraîchement diplômé de l'université, aspirant écrivain, et un père insaisissable, perclus de dettes, qui fait le désespoir de sa famille. Le poirier sauvage évoque la politique turque, la religion et la littérature, entre autres, avec une liberté et une audace qui font mouche mais c'est dans sa toute dernière partie que le film trouve son acmé avec le rapport fils/père qui évolue soudain vers une sérénité inattendue. La dernière demi-heure est réellement extraordinaire, magnifiée par le talent de Ceylan à filmer les beautés de la nature. Elle fait oublier les petites longueurs perceptibles auparavant, qui ne se transforment cependant pas en ennui, dans un film qui restera parmi les plus remarquables du cinéaste, même sans récompense cannoise.
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