La peur de l'autre (Une petite île heureuse)
Malgré son point de départ, digne d'un thriller, et son origine nordique -Lars Sund est un écrivain finlandais qui écrit en suédois-, Une petite île heureuse est tout sauf un roman policier. Des centaines de cadavres se sont échoués sur l'île (imaginaire) de Fagerö mais il importe peu de savoir d'où ils viennent. Non, ce qui intéresse Sund, c'est de décrire une communauté repliée sur elle-même, trop jalouse de sa tranquillité pour accueillir des étrangers, fussent-ils décédés. Sur un tel sujet, le romancier alterne les genres avec une belle virtuosité : de l'allégorie au conte, en passant par le réalisme le plus quotidien et trivial. Le mélange est détonant et étonnant. Ce roman choral, où une bonne vingtaine de personnages se partagent la vedette, ne cesse de surprendre au fil des pages, l'auteur se permettant de s'introduire au coeur du récit, d'en interpeller les acteurs sans ménagement, les observant à la loupe dans leur routine, quand il ne prend pas de la hauteur pour brosser un tableau d'ensemble des évènements qui viennent menacer l'équilibre de l'existence des insulaires. Ce que Lars Sund raconte n'est pas anodin : la peur de l'autre et la xénophobie, notamment, évoquant même par allusion la tentation des sociétés dites libérales à pratiquer l'eugénisme. Qu'il choisisse de traiter ce thème par la dérision et la causticité est pour le moins surprenant mais son écriture subtile, narquoise et parfois poétique force l'admiration et captive jusqu'au bout. Un joli tour de force d'un écrivain très connu en Scandinavie et qu'on découvre, séduit, pour la première fois dans une traduction française. En souhaitant que ses livres précédents connaissent très bientôt le même sort.
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