Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ecran total à La Rochelle (2)

C'est parti pour de bon. Trois séances aujourd'hui, pour commencer de façon raisonnable. Haneke, Lapid, Lelio : trois cinéastes sans rien en commun, si ce n'est une vraie singularité. Et un gros coup de coeur pour le film du dernier, Une femme fantastique.

 

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Happy End, Michael Haneke, sortie le 4 octobre

Happy End a été fraîchement accueilli à Cannes. Haneke ne peut tout de même pas remporter une Palme d'Or à chaque fois qu'il concourt. Le film a tout pour déplaire à ceux qui n'aiment pas habituellement son cinéma puisqu'il en est une sorte de condensé, un Best of ou Worst of, c'est selon les goûts. A la façon d'un rongeur, et derrières des images douces et calmes, Haneke instille son venin (son cynisme diront certains) dès le début de Happy End dans une radiographie sombre d'une famille de grands bourgeois de Calais. Ce sont soit des monstres, soit des désabusés voire suicidaires (les deux, c'est possible aussi), de la plus jeune (Fantine Harduin, une révélation) au plus âgé (Trintignant, impeccable). Une belle galerie de perturbés que fidèle à son habitude le cinéaste autrichien dissèque froidement, cliniquement, en lâchant quelques ricanements sardoniques, de temps à autre. Un humour dont on chercherait vainement un qualificatif pour le caractériser, au-delà de noir. Ce portrait de groupe avec failles est vaguement déplaisant par le plaisir évident qui est pris par Haneke à traquer la part animale de chacun des humains qu'il met en scène. C'est un éternel recommencement pour un réalisateur qui se recycle en permanence même si certains n'y verront que redite. Dans ce grand bal de l'hypocrisie, l'habituée Isabelle Huppert excelle et le nouveau Mathieu Kassovitz semble comme un poisson dans l'eau trouble. La violence, longtemps souterraine, se montre davantage dans les dernières scènes, elle n'en reste pas moins comme tamisée comme par une sorte de politesse assassine. On peut ne pas aimer du tout mais il faut reconnaître au cinéaste une maîtrise absolue dans cette façon d'enfoncer un clou sans relâche jusqu'à la saturation (et la libération ?). Cruel, même avec anesthésie !

 

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Journal d'un photographe de mariage, Nadiv Lapid

Moyen-métrage, Journal d'un photographe de mariage n'a pas l'intensité des deux films longs de Nadiv Lapid, Le policier et L'institutrice. A cause de la longueur réduite, bien entendu, mais pas seulement, malgré un démarrage très prometteur et fort drôle. Mais c'est ensuite comme si l'histoire n'avançait plus et qu'il n'y ait pas le temps de développer une quelconque intrigue. Et malgré sa brièveté, le film devient répétitif avec à plusieurs reprises la même relation étrange qui se crée entre le photographe (qui est d'ailleurs derrière une caméra) et les futures mariées qui n'ont pas si envie que cela de convoler. Nadiv Lapid a toujours un vrai talent de mise en scène, en imaginant des plans très photogéniques (les robes de mariées et les plages israéliennes aident beaucoup) mais le scénario reste bloqué à son argument de départ.

 

 

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Une femme fantastique, Sebastian Lelio, sortie le 12 juillet

Du cinéaste chilien Sebastian Lelio reste le souvenir du magnifique portrait de femme de Gloria, son précédent film. Une femme fantastique est un cran en dessous mais de très peu en définitive et le style du cinéaste, fait d'élégance et de précision, n'est pas plus mis en défaut. Le film prend Marina à un moment critique de sa vie quand elle perd son compagnon. Dès lors, elle n'est plus une femme invisible mais est vue comme une créature embarrassante parce qu'elle symbolise, du moins du côté de ceux qui la jugent, une "différence" inacceptable surtout dans un pays catholique et conservateur comme le Chili. N'importe quel autre cinéaste aurait sans doute centré son film sur la recherche d'identité de Marina. Pas Sebastian Lelio car seul lui importe de montrer la dignité et la bravoure de cette femme fantastique. Et par ricochet l'intolérance et le regard dépréciateur des autres, ceux qui sont parait-il "normaux". Beau scénario, tout en subtilité (primé au festival de Berlin) et sublime performance de Daniela Vega. Le cinéaste multiplie les gros plans et suit son héroïne en marche dans Santiago, le souffle parfois court mais toujours volontaire et ne revendiquant rien d'autre que la justice et le respect. Eclairé et cadré avec un goût infini mais sans esthétisation, le film confirme le grand talent de l'un des tous meilleurs cinéastes latino-américains d'aujourd'hui.



02/07/2017
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