Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Montpellier (2)

 

D'autres rivages en vue : portugais, tunisien, marocain.

 

Loup & Chien, Cláudia Varejão, sortie le 8 mars

Documentariste portugaise reconnue, Claudia Varejão se confronte pour la première fois à la fiction, avec Loup & Chien, sans pour autant abandonner ses préoccupations habituelles de réalisme social, avec un casting exclusivement composé de non-professionnels, dans lequel brille particulièrement la jeune Ana Cabral, lumineuse. Le film évoque la société traditionaliste et très religieuse de l'île de São Miguel, aux Açores, au milieu de l'océan Atlantique. Et, en contrepoint, il décrit une partie de sa jeunesse, queer et à mille lieux des valeurs des générations précédentes. Plutôt que d'évoquer un conflit ouvert entre les communautés, la réalisatrice opte pour une certaine douceur, avec le parcours initiatique de sa protagoniste centrale, et un onirisme marqué dans plusieurs scènes, parmi les plus réussies. Un film hybride, donc, généreux mais parfois un peu affecté et dont la trame narrative proprement dite manque assez souvent de clarté, délaissée au profit de l'atmosphère générale et de la splendeur naturelle de l'île. Il n'y avait pas là matière à réaliser un long-métrage de plus de 90 minutes (il en fait une vingtaine de plus), s'exposant à des redites et à une certaine dispersion alors que son héroïne principale, de par sa personnalité et son évident charisme, aurait mérité d'occuper l'écran encore davantage.

 

Sous les figues, Erige Sehiri, sortie le 7 décembre

Le premier long-métrage de la Tunisienne Erige Sehiri est un huis-clos à ciel ouvert, une journée de cueillette, sous les figues d'un grand verger, exactement. Un film de soleil et de lumière (quel photo somptueuse !) avec des dialogues vifs en dialecte berbère qui sonnent juste, avec des comédiens amateurs manifestement doués, surtout les personnages féminins que la mise en scène fluide de la réalisatrice auréole d'une grâce infinie. L'on s'interpelle, l'on chahute et l'on y drague aussi dans un marivaudage qui n'oublie pas de résonner socialement, sur la place d'une génération de femmes, dans une société tunisienne où elles étouffent, à la recherche d'une émancipation difficile à conquérir, sous le regard un tantinet affolé d'hommes qui ont du mal à comprendre cette effronterie vis-à-vis de leurs privilèges ancestraux de domination. Erige Sehiri dit admirer le cinéma de Kiarostami mais on pourrait citer d'autres influences aussi diverses que les films d'Emmanuel Mouret ou Riz amer de Giuseppe de Santis. C'est un film qui témoigne aussi d'une sororité puissante mais aussi inquiète quant à un avenir difficile à imaginer pour ces jeunes filles, une fois leur travail d'été terminé, à l'ombre des figuiers en fleur. Quoi qu'il en soit, l'on reste charmé par la beauté d'un film qui rend un si bel hommage à la féminité et à une nature prodigue en richesses.

 

Abdelinho, Hicham Ayouch

Dans un premier temps, Abdelinho, le quatrième long-métrage de Hicham Ayouch, a tout d'une comédie colorée et gentiment absurde, consacrée au quotidien d'Abdallah, jeune homme d'une petite ville marocaine, qui s'habille aux couleurs du Brésil, son unique passion, donne des cours de samba et fantasme sur une héroïne de télénovela. La candeur d'Abdelinho, puisque tout le monde l'appelle ainsi, fait plaisir à voir et offre des moments de détente sans l'ombre d'une prétention. Tout se gâte avec l'apparition d'un télévangéliste (incarné par l'excellent Ali Suliman) dont la rigueur religieuse et les interdits qui s'ensuivent bouleversent notre "Brésilien" et tout son environnement. Ce que veut dire alors le film est transparent, dénonçant pêle-mêle intolérance, corruption et lavage de cerveau de la population. Que l'esprit de sérieux s'invite dans Abdelinho n'est pas en soi une mauvaise chose mais la transition est brutale, la manière de faire maladroite et tout ce qui apparaissait auparavant comme d'une délicieuse fantaisie naïve plonge largement dans le caricatural. D'autant, qu'en parallèle, l'aspect comédie romantique s'accentue, créant un effet de distorsion guère subtil (le Brésil de Bolsonaro est aussi une cible). Et c'est ainsi que la légèreté et l'originalité d'une jolie fable s'est transformée en un exercice pesant et démonstratif, loin de la savoureuse alliance de la samba et du tajine de ses débuts.

 



25/10/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 50 autres membres