Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Montpellier (1)

 

L'affaire Nevenka (Soy Nevanka) de Icíar Bollaín

Clair, digne et implacable. Le cinéma d'Icíar Bollaín est à son acmé dans L'affaire Nevenka, relatée avec une précision fluide, fortement documentée auprès de la malheureuse héroïne de cette histoire, elle-même, plus de 20 ans après les faits. Le film nous enseigne, pour ceux qui l'ignoreraient encore, que le harcèlement, sexuel et/ou moral, n'est pas si simple à définir, surtout quand il s'accompagne, comme dans le cas de Nevenka, d'abus de pouvoir, provenant de quelqu'un d'admiré et dont l'influence s'étend à tout un village, y compris à l'entourage d'une victime dont il est plus aisé d'énoncer la supposée intention de nuire. L'affaire Nevenka décrit une relation toxique, au vu et au su de tout le monde, quand une communauté regarde et sait mais ne dit rien. C'est aussi le procès d'une société et de médias dans une époque pré-#MeToo que l'on peut analyser à l'aune des progrès réalisés en la matière, plus de 2 décennies plus tard, quoique le traitement de certaines affaires laisse à penser qu'il reste encore beaucoup à faire. Sur le plan de la direction de ses interprètes, la réalisatrice montre une fois de plus son grand talent avec le "couple" formé par Miraia Oriol, fantastique, et Urko Olazabal, bluffant. A noter que L'affaire Nevenka n'a pu être tourné à Ponferrada, la demande de permission de tournage de la cinéaste n'ayant jamais reçu de réponse. Pas étonnant, alors que plusieurs collaborateurs du maire incriminé siègent toujours au conseil municipal.

 

Louise Violet de Eric Besnard

Après Délicieux, pour les débuts de la restauration, Eric Besnard s'attaque aux premiers pas de l'école gratuite, laïque et obligatoire en France, et plus particulièrement en milieu rural, au cœur de l'Auvergne (un beau village, soit dit en passant). Des trois qualificatifs énoncés plus haut, c'est bien entendu celui "d'obligatoire" qui a le plus de mal à passer, pour des paysans qui utilisent leurs enfants comme main d’œuvre, pour les travaux des champs. Nous sommes en 1889, la modernité n'est pas synonyme de progrès pour tous, surtout pour ceux qu'on ne nomme pas encore agriculteurs, qui appartiennent à la vieille école, si l'on veut rattacher l'expression au thème du film. Le scénario de Louise Violet chemine tranquillement, entre hauts et bas pour la nouvelle maîtresse d'école et, nonobstant quelques splendides paysages au fil des saisons, la mise en scène se révèle totalement fade, incapable de donner le moindre frisson à une histoire qui ne manquait pas de potentiel, pourtant. Que reste t-il pour se mettre du baume au cœur ? Alexandra Lamy et Grégory Gadebois, qui assurent l'essentiel et ont, chacun à leur tour, leur moment pour briller. Dans un registre habituel pour le second, gentil bougon, en moins conventionnel pour la première, dans le personnage le plus profond du film. Rien d'exaltant dans tout cela, rien d’infamant, non plus, mais le sujet aurait mérité un traitement moins insipide et somme toute convenu.

 

Hayat de Zeki Demirkubuz

Pour saisir l'essence de Hayat, de Zeki Demirkubuz, pourquoi ne pas citer son compatriote turc Nuri Bilge Ceylan, avec un zeste de Asghar Farhadi pour compléter le capiteux cocktail d'un film qui dure plus de 3 heures, lesquelles semblent justifiées, eu égard à un récit d'une richesse peu commune ? Avec de nombreux changements de perspectives et de personnages à la clé, sans parler de superbes ellipses temporelles. Certaines conversations auraient pu être raccourcies, sans doute, mais ce qui, au fond, ne pourrait être qu'une sorte de roman-photos, devient par la grâce et l'intelligence de sa narration une histoire d'amour assez sublime et plutôt inattendue dans son déroulement complexe, avec de la douceur, de la violence et de la tristesse, subtilement dosées pour ne jamais frôler une quelconque surcharge dramatique ou émotionnelle. Les chemins de l'amour, qui sont parfois des boulevards sans charme ou des impasses fatales, prennent ici des sentiers buissonniers, propices à la découverte de personnages profonds et parfois insaisissables, que l'interprétation remarquable d'acteurs et d'actrices, évidemment peu connus en France, fait vibrer de belle manière. Le film a été sélectionné comme candidature turque pour le meilleur long métrage international, lors de la prochaine cérémonie des Oscars.

 

 

 



21/10/2024
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 51 autres membres