Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Biarritz (4)

 

Embarquement immédiat pour le Mexique et le Brésil.

 

Huesera, Michelle Garza Cervera, Mexique

Il y a les films qui font très peur et il y a ceux où l'on s'attend sans cesse à être effrayé, sans que cela n'arrive presque jamais. Huesera, le premier long-métrage de la Mexicaine Michelle Garza Cervera, appartient plutôt à la deuxième catégorie, y compris pour l'une des dernières scènes, plus répulsive que terrifiante, mais ô combien significative de ce qu'a voulu faire la réalisatrice, elle qui dit baser son travail sur "l'horreur sociale." Le thème évident de Huesera est la place de la femme dans la société mexicaine, qui passe pour une grande part par sa fonction maternelle, ou de reproductrice si l'on préfère un terme moins élégant mais répondant assez bien à la situation. Michelle Garza Cervera se tire plutôt bien des exigences du film de genre, avec une certaine fluidité dans son scénario et sa mise en scène mais l'on peut émettre quelques réserves sur le jeu de l'actrice principale, Natalia Solián, dont l'expressivité des mimiques semble parfois un tantinet forcée. Dommage également que ce film sur les affres de la grossesse néglige ses personnages secondaires, ceux (et surtout celles) qui sont en dehors de la norme, par exemple. Malgré des qualités indéniables, Huesera risque en définitive de frustrer les amateurs de cinéma d'horreur et de ne pas satisfaire les aficionados du cinéma d'auteur. Mais peut-être séduira t-il ceux qui appartiennent aux deux catégories, non ?

 

Tinnitus, Gregório Graziosi, Brésil

A première vue, Tinnitus, réalisé par le Brésilien Gregório Graziosi, ressemble à un film de sport, avec son héroïne championne en plongeon de haut vol, qui tente de revenir au sommet après un accident dû à de terribles acouphènes. Entre temps, l'ancienne sportive s'est transformée en sirène pour un spectacle donné en aquarium. Mais les apparences sont trompeuses et le film, qui se complait assez souvent dans une ambiance flottante (aqueuse ?), avance de manière confuse autour de l'idée que le danger n'est jamais aussi insaisissable que lorsqu'il émane de son propre corps. Une allusion directe à la dérive droitière du Brésil depuis quelques années que ne manque pas d'évoquer le réalisateur dans ses interviews, insistant comme ses collègues cinéastes sur le mépris affiché pour la culture ? Probable mais la démonstration est noyée par de nombreux artifices visuels dans Tinnitus (mais pas sonores, ce qui est paradoxal eu égard au sujet du film). Le métrage manque vraiment de simplicité et de clarté, dans une veine trop évidemment auteuriste, qui semble chercher inconsciemment la comparaison avec le cinéma de Kleber Mendonça Filho. Mais force est de constater que les bruits de São Paulo n'ont vraiment pas le même niveau que ceux de Recife, loin s'en faut.

 

El norte sobre el vacío, Alejandra Marquez Abella, Mexique

Troisième long-métrage de Alejandra Marquez Abella, El norte sobre el vacío a quelque chose de crépusculaire, la fin de l'âge d'or d'un patriarche à la tête de son ranch. Le film est un véritable western, situé au nord du Mexique, mais aussi un portrait de groupe familial d'où émerge la figure de cet homme vieillissant, ancien chasseur émérite, qui n'a pas compris que l'époque avait changé. Celle de la masculinité triomphante a aussi fait son temps, semble dire un scénario qui s'est inspiré d'une histoire réelle pour s'en éloigner, tout du moins dans ses questionnements. A qui appartient vraiment la terre ? La question se pose aussi de manière sous-jacente, dans une région où la population indigène a subi un génocide. Au-delà de son aspect de tragédie antique annoncée, El norte sobre el vacío se révèle dense, parfois intense, mais d'une durée sans doute excessive. De nombreux plans montrent à intervalles réguliers une multitude d'animaux comme stupéfaits par le spectacle ridicule offert par les humains qui les entourent. Après Las niñas bien (La bonne réputation), que d'aucuns ont trouvé à tort un brin superficiel, Alejandra Marquez Abella montre qu'elle est capable de s'adapter et de s'épanouir, dans des thématiques bien différentes. Pour l'anecdote, lorsque Gabriel Nuncio lui a fait lire la première mouture de son scénario, la réalisatrice lui a répondu : "je le déteste mais j'ai très envie de le faire"

 

 

 



30/09/2022
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