Ici, c'est Arras (9)
Avant-dernière salve de films à Arras. Avec Sandrine Kiberlain réalisatrice, en vedette.
Inventory (Inventura) de Darko Sinko
Qui a tiré deux coups de feu, nuitamment, sur Boris Robic, citoyen slovène sans histoire ? Ce type est très ordinaire, assistant technique à l'université, marié et déjà grand-père. Dans Inventory, l'enquête que mène Boris est définitivement autour de lui-même, de sa vie et d'ennemis éventuels. De quoi s'enfermer dans cette quête existentielle et de remettre toutes ses relations en question, tout du moins sont-ce les enjeux d'un film que son réalisateur, Darko Sinko, décrit comme une "comédie inattendue." Dommage que son écriture soit aussi peu dynamique, collée qu'elle est à un homme foncièrement banal et sans aspérités, et que le film ne tente pas des échappées vers l'absurde ou le fantastique. C'est un peu morne plaine, avec d'occasionnels pics d'humour, mais trop rares. Qui veut la peau de Boris Robic ? Peut-être n'est-ce pas nécessaire de le savoir, cet antihéros est suffisamment insipide pour faire périr d'ennui tous ses proches.
Une femme du monde de Cécile Ducrocq
Si Une femme du monde, le premier long-métrage de Cécile Ducrocq, doit être vu, c'est essentiellement pour la performance de Laure Calamy, qui se dévoue corps et âme pour son rôle de prostituée par choix, qui n'échappe pas à la précarisation progressive des travailleuses du sexe. Le film est intéressant quand il se fait social, décrivant aussi bien les trottoirs de Strasbourg que les prestations à domicile où le travail dans un bordel allemand. Pas de faux tabous dans Une femme du monde, qui montre une femme d'âge moyen, qui serait plutôt heureuse de son sort et de son indépendance, si elle ne connaissait pas des fins de mois de plus en plus difficiles, avec un fils adolescent qui ne semble pas décidé à penser à son avenir. Là, malgré l'intensité des relations mère/fils, le film frôle les clichés avec ce garçon sans ressort et sans envie mais qui va soudainement changer de comportement sans que le scénario n'explique réellement ce revirement. A un moment donné, tous les enjeux qui tenaient le film depuis le début semblent annihilés, sans rime ni raison. Malheureusement, la mise en scène, correcte mais sans éclat aucun, ne vient pas à l'aide d'une histoire qui se termine en roue libre. Une femme du monde est un bon exemple d'un cinéma très "qualité française", honnêtement conçu et réalisé, mais qui doit beaucoup trop à son actrice principale. Et même tout.
Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain
"Ma chère Irène ... Ma chérie Reine." L'Irène en question, héroïne du premier long-métrage de Sandrine Kiberlain, est une jeune fille gaie, un rayon de soleil pour sa famille et pour ses condisciples en cours de théâtre. C'est une jeune fille qui va bien ... dans un monde qui va mal, puisque le film se déroule en 1942. D'emblée, la réalisatrice ne montre pas de signes ostentatoires de l'occupation nazie. Pas d'inscriptions en allemand, pas de soldats dans la rue, c'est presque une dystopie que propose Sandrine Kiberlain, ou plutôt l'univers et les préoccupations d'une fille de 19 ans qui rêve d'amour et de beaux rôles à venir, dans la grâce de la jeunesse. Ce n'est pas un film de guerre qui se développe sous nos yeux mais une histoire intime et touchante, avec ses drôles de dialogues et sa musique parfois anachronique. Bien entendu, Kiberlain n'ignore pas quelle période elle illustre mais sa volonté est de transcender la réalité historique, en lui donnant des couleurs d'espérance (rouge) jusqu'à ce que le noir ne vienne tout faire basculer, dans une dernière image terrifiante et inoubliable. Le film est doublement nourri par la mémoire familiale de la néo-réalisatrice et par le souvenir de ses années d'apprentissage de comédienne. Outre ses talents de mise en scène, évidents, sa direction d'acteurs est magnifique, non seulement avec la prometteuse Rebecca Marder mais aussi avec des seconds rôles qu'elle sait faire vivre en quelques traits, que cela soit le père d'Irène (André Marcon), sa grand-mère ou ses amoureux. Un film sensible qui atteint sa cible, avec une infinie subtilité.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 50 autres membres