Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (7)

 

C'est parti fort pour la compétion européenne. Quel film succèdera à La voix d'Aida ?

 

Où est Anne Frank ! de Ari Folman

Où est Anne Frank ! se comprend avec un point d'exclamation comme si Ari Folman entendait mettre l'accent sur son legs et non sur les nombreux lieux qui la célèbrent comme une héroïne. Le film est-il vraiment destiné aux enfants ? Clairement non, dans le sens où il est construit sur deux temporalités, la deuxième guerre mondiale et aujourd'hui, avec pour personnage principale Kitty, l'amie imaginaire du livre d'Anne Frank. C'est une belle idée que de l'avoir transportée dans le monde actuel. Pour les plus jeunes spectateurs, l'essentiel du livre est cependant présent et le film va au-delà en évoquant l'ouvrage du père d'Anne Frank, seul rescapé de la famille, ce qui est parfaitement sensé et positivement didactique, même pour ceux qui connaissent tous les détails de sa vie. Le dialogue entre Anne et Kitty fonctionne à merveille, jamais mièvre, à la hauteur des véritables circonstances de cette captivité amstellodamoise et de l'esprit du livre. En revanche, certains trouveront peut-être la partie moderne, consacrée à la question des réfugiés en Europe, un brin hors sujet mais, outre le fait qu'il ne s'agit pas pour Folman de dresser un parallèle entre leur accueil et leur traitement et la solution finale pendant la seconde guerre mondiale, c'est surtout l'esprit du message incarné par Anne Frank et qui a été souvent oublié au profit de son iconisation, qui prévaut pour le réalisateur. En cela, le film est important et utile, et les adultes sont autant sinon davantage concernés que les enfants.

 

Erna at war (Erna i krig) de Henrik Ruben Genz

L'histoire de Erna at War est non seulement originale mais elle correspond également à certains cas de femmes ayant endossé l'uniforme durant la première guerre mondiale, y compris comme Erna pour "accompagner" leur fils à la guerre. Le film ne montre que peu de batailles car son but n'est pas de rechercher le spectaculaire mais ressemble davantage à une fresque intime, en suivant pas à pas cette femme devenue soldat pour poursuivre son métier de mère jusqu'à l'extrême. Erna at war va plus loin en dressant un portrait sensible et très attachant de cette danoise qui ne cherchait en aucun cas à devenir une héroïne. Le réalisateur, Henrik Ruben Genz, en profite aussi pour évoquer le cas historique des habitants du sud du Jutland, territoire annexé par les allemands, obligés de se battre pour le pays de l'occupant. Au-delà de son idée de départ, le film s'impose comme un film de guerre "différent" même si sa mise en scène reste volontairement sobre. Dans le rôle principal, c'est un bonheur de retrouver l'extraordinaire Trine Dyrholm dans un rôle où elle donne toute sa mesure bien qu'elle parte avec un lourd handicap de départ, avec son physique qui devrait l'empêcher de pouvoir de faire passer pour un homme. Étonnamment, ce qui devrait être rédhibitoire dans n'importe quel film ne l'est pas dans Erna at War. Le mérite en revient aussi bien à la qualité du scénario qu'à l'interprétation haut de gamme de l'actrice.

 

La Civil de Teodora Mihai

Bien que sa réalisatrice, Teodora Mihai, soit belgo-roumaine, La Civil est un film mexicain pur jus, décrivant le combat d'une mère pour retrouver sa fille enlevée, dans le droit fil du remarquable Sans signe particulier, même si le traitement diffère sensiblement de l'un à l'autre. Mais, là également, il y est question d'une société gangrenée par la violence, où se côtoient les cartels, les paramilitaires et la police et où il n'est absolument pas possible de faire confiance à ses proches, possiblement corrompus. La Civil, placé sous le parrainage des frères Dardenne, de Cristian Mungiu et de Michel Franco, excusez du peu, raconte le combat d'une mère dans un style souvent radical, débouchant sur un thriller tendu, presque à l'américaine, où tout est susceptible d'arriver, à commencer par le plus horrible. Un peu trop long et manquant parfois de cohérence, le film vaut avant tout pour son atmosphère fébrile et l'interprétation hors normes de Arcelia Ramírez, d'une incroyable intensité. Le choc est réel même si son thème n'est pas neuf et le courage de cette mère, dans un contexte insaisissable et délétère, a de quoi impressionner. Il y a un hic, tout de même, avec l'ultime image du film, qui nous montre le regard stupéfait de son héroïne. Si c'est vraiment ce que le spectateur croit à ce moment-là, c'est en contradiction totale avec tout le patient cheminement du long-métrage. Qu'a voulu signifier la réalisatrice dans ce plan final est un véritable mystère, à la fois frustrant et incompréhensible.

 

Vera dreams of the sea (Vera andrron detin) de Kaltrina Kasriqi

Le cinéma Kosovar n'est plus terra incognita, donnant désormais de ses nouvelles dans les festivals internationaux. Cela a été le cas avec Hive, par exemple, couronné au Cinemed de Montpellier. Vera dreams of the sea est également un film de réalisatrice et l'on y retrouve des thèmes assez familiers : corruption des élites et omnipotence du patriarcat, notamment, avec une mère courage bien décidée à se battre, en l'occurrence ici pour offrir un avenir à sa fille, malgré la cupidité de sa propre famille, après le suicide de son mari. Le personnage principal du premier long-métrage de Kaltrina Krasniqi est donc une femme d'âge mûr qui ne s'en laisse pas compter et dont le métier est original, interprète en langues des signes. Vera dreams of the sea la suit pas à pas dans un cheminement assez classique où elle doit se méfier de tout le monde, tout en rêvant d'une autre société. De manière symbolique et un peu lourde, le film insère à intervalles réguliers des images de mer, d'où d'ailleurs son titre. La mise en scène est relativement maitrisée et l'interprétation plus que correcte, avec son héroïne déterminée, en tête de pont. Il n'y a pas, malheureusement, la même énergie et puissance que l'on trouve dans Hive, qui n'a pas été choisi par hasard pour représenter le Kosovo pour l'Oscar du meilleur film international.

 

 

 



13/11/2021
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