Ecran total à La Rochelle (5)
Aujourd'hui, carton plein avec quatre films en provenance des sections parallèles cannoises. Rien d'aussi remarquable que le hongrois d'hier mais pas de mauvais film non plus.
Cuori puri, Roberto de Paolis, sortie début 2018
Une garçon et une fille dans une banlieue triste. Sur les traces des Dardenne ou de Loach, Cuori puri tente de se différencier par une énergie sans cesse renouvelée. C'est cependant insuffisant dans un cinéma narrativement assez court et qui use et abuse des plans pris à la volée et saccadés. En panachant plusieurs ingrédients (religion, violence, racisme), le film reste dans une filière assez attendue avec une histoire d'amour qui se construit en dépit des déterminismes sociaux et des pensées dominantes. Pas de surprises majeures dans ce qui se veut être une radiographie de l'Italie contemporaine. Le réalisme est bien au rendez-vous mais nul élément vraiment déstabilisateur ne vient troubler le bon ordonnancement d'un film trop balisé.
Gabriel et la montagne, Fellipe Barbosa, sortie le 30 août
Dans les premières minutes de Gabriel et la montagne, deux paysans du Malawi découvrent le cadavre d'un touriste brésilien porté disparu depuis quelque temps. L'histoire est vraie et le film de Fellipe Barbosa raconte les dernières semaines en Afrique de ce garçon nommé Gabriel Buchmann. Le parti pris linéaire du scénario nous vaut quelques scènes très illustratives (l'ascension du Kilimandjaro, les chutes Victoria) du Kenya au Malawi, de la Tanzanie à la Zambie. L'itinéraire d'un jeune homme qui voulait voyager autrement, hors des sentiers battus et au plus près de la population locale. C'est dans l'étude de caractère de ce Gabriel que le film trouve son intérêt, dans un itinéraire très personnel et un peu illusoire quant à son ambition de ne pas être un touriste blanc lambda. Il y manque peut-être un soupçon de profondeur mais le film est somme toute fidèle à la mémoire de Gabriel et de ses obsessions, un "héros" qui rappelle par certains côtés, et notamment ses excès, celui de Into the Wild. Sa mort a t-elle un sens eu égard à cette quête insensée. L'une des originalités du film est de faire intervenir en voix off ceux qui ont côtoyé le brésilien durant son périple. Malgré le peu d'empathie que l'on peut ressentir pour le personnage de Gabriel, le portrait est cependant attachant et le compte à rebours jusqu'à sa disparition fonctionne parfaitement, comme un suspense prolongé.
En attendant les hirondelles, Karim Moussaoui, sortie le 8 novembre
Le premier long-métrage de l'algérien Karim Moussaoui a un titre énigmatique : En attendant les hirondelles. Est-ce pour signifier que faute d'un printemps arabe, son pays n'évolue que peu, perclus dans des schémas traditionnels dépassés ? Le film déroule trois histoires qui n'ont qu'un lien ténu les unes avec les autres. C'est son principal défaut : il n'y a pas le temps d'approfondir les situations réduites à l'état de squelettes narratifs. Qui plus est, les trois récits ne possèdent pas la même intensité. Le plus réussi est le deuxième qui creuse à travers la relation entre deux anciens amoureux la piste d'une Algérie bloquée par ses coutumes et frustrant ses jeunes générations par une absence de modernité synonyme d'impossible liberté. L'ombre des années les plus noires du pays, avec le terrorisme, contamine par ailleurs la dernière partie du film sans pour autant parvenir à convaincre totalement. Reste que pour sa maîtrise formelle, au moins, il convient de retenir le nom de Karim Moussaoui qui semble avoir beaucoup à dire sur la société de son pays.
Petit paysan, Hubert Charuel, sortie le 30 août
Première constatation à la vision de Petit paysan : c'est bien la première fois que le cinéma français s'intéresse avec autant de véracité au quotidien d'un modeste exploitant agricole. Le cinéaste, Hubert Charuel, est né dans une ferme et tous les détails sonnent juste. Notamment dans sa relation presque amoureuse avec son cheptel bovin et sa solitude au jour le jour. Le film bascule vers le thriller avec l'apparition d'une épidémie qui menace les animaux et partant, l'affaire du petit paysan. Dès lors que la narration emprunte une voie où l'agriculteur tente d'éviter la mort aux vaches, de nombreuses maladresses apparaissent et le réalisme s'efface. On remarque alors une certaine paresse dans tout ce qui est périphérique à la ferme : les amis, les sentiments, la famille. Il y a bien quelques échappées oniriques mais la mise en scène est bien trop sage et le dénouement manque totalement d'ambition. Malgré ces réserves, Petit paysan vaut bien mieux qu'un téléfilm, ne serait-ce que pour la formidable prestation de Swann Arlaud, et témoigne d'une volonté affirmée de montrer les réalités du monde rural.
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