Ici, c'est Arras (4)
U are the Universe de Pavlo Ostrikov
Une odyssée de l'espace à la sauce ukrainienne ne peut ressembler à son équivalent américain, non seulement en fonction des moyens alloués mais aussi par l'état d'esprit. Pavlo Ostrikov a mis 7 ans pour concrétiser son projet mais le résultat vaut l'investissement, mêlant habilement les références attendues (un clin d’œil à Kubrick, en passant) et une certaine originalité dans un récit qui doit beaucoup à la personnalité de son héros, convoyeur de l'espace, soit une sorte de prolétaire comparé aux astronautes (cosmonautes), ces héros que l'on a l'habitude de côtoyer dans les étoiles. C'est un ton tragi-comique qui fait tout le prix de U are the Universe, qui multiplie les scènes d'interactions entre l'homme seul et son robot assistant, avant de basculer sur tout autre chose, que l'on peut qualifier de romantisme astral. Très adroitement, le scénario du film, qui menaçait de devenir répétitif, se régénère de lui-même avec deux twists coup sur coup, dignes d'un blockbuster américain, sauf qu'il incorpore un enjeu poétique qui nous mène tout droit vers un dénouement délicieux. Précisons tout de même que le même acteur est à l'écran pendant 100 minutes, coincé dans son habitacle, et qu'il ne nous ennuie jamais par sa faconde et son sens de l'ironie permanent. Volodymir Kravchuk, tel est son nom, et dommage si sa tête ne vous revient pas car il occupe l'espace, c'est le cas de le dire, avec un certain panache.
Une part manquante de Guillaume Senez
Cette nouvelle collaboration entre Guillaume Senez et Romain Duris, après le superbe Nos batailles, prend de nouveau la paternité comme sujet central. Mais ce Jamais sans sa fille nippon prend tout son temps pour en arriver au cœur du réacteur humain, avec son personnage de chauffeur de taxi français, exilé au Japon, et qui joue parfois les bons samaritains dans des situations dramatiques, proches de la sienne, que l'on apprend peu à peu. Ce thème des couples binationaux dont l'un est privé de la garde de son enfant a nourri de nombreux articles tant la législation japonaise semble parfois inique, et totalement incompréhensible pour nos yeux d'occidentaux. Le récit s'attache à nous faire connaître son personnage principal, en diluant parfois l'intérêt (les relations avec son propre père, le singe domestique) jusqu'à ce que, enfin, plusieurs scènes laissent les sentiments s'exprimer au grand jour, suscitant une belle émotion, qui n'a peut-être que le défaut d'être trop tardive. Une part manquante est cependant de la belle ouvrage, écrite avec sensibilité et filmée sans prétention, et qui ne se nourrit pas trop des clichés souvent inhérents aux longs métrages se déroulant au pays du soleil levant. Pour qui apprécie Romain Duris, c'est un vrai régal et qu'il soit presque toujours à l'écran est une précieuse aubaine.
Spectateurs! de Arnaud Desplechin
Mais c'est quoi donc, Spectateurs! ? Une déclaration d'amour au cinéma et aux salles qui le célèbrent, oui, assurément. Mais c'est surtout un objet hybride où il est question de ceux qui le font et que Arnaud Desplechin admire : Bergman, Rossellini, Ford, Truffaut, etc, et de ceux qui le regardent, vous, moi, lui, spectateurs de films d'auteur mais aussi de blockbusters. C'est un fourre-tout, un objet hybride, aussi bien un documentaire qu'une fiction, avec quelques saynètes décrivant Paul Dédalus, le double de Desplechin, à l'enfance, l'adolescence et la jeunesse, avant de passer derrière la caméra. Comme Carax, récemment, le réalisateur de Rois et reine égrène, sème et se souvient. Certains passages sont plus marquants que d'autres, ceux où il évoque longuement Jacques Lanzmann et son monumental documentaire Shoah, en particulier. Pas d'ennui véritable à signaler dans Spectateurs! car tout s'enchaîne sinon naturellement, du moins avec un certain rythme, même si le commentaire pontifie parfois en voix off. L'enthousiasme et la générosité de Desplechin sont palpables mais prennent-ils vraiment une forme susceptible de susciter une adhésion immédiate ? Disons qu'on a le droit de rester quelque peu circonspect, comme on a pu l'être, il y a quelques années, devant un essai cinématographique de Jean-Luc Godard.
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