Aux Arcs, etc. (8)
C'est bientôt la fin mais je suis encore reparti pour trois tours, en Autriche, en Russie et en Italie.
Lovecut, Iliana Estanyol et Johanna Lietha, Autriche.
Trois gars et trois filles, à Vienne. 18 ans ou moins. Sexe, mensonges et vidéo. C'est cette génération digitale que filme un duo de réalisatrices, Iliana Estanyol et Johanna Lietha, à travers des relations où il est question d'identité, de rébellion, de handicap et, un peu, de sentiments. Les adultes sont en arrière-plan de Lovecut, avec lesquels le dialogue est nul et non avenu. Communication impossible. Le film, avec quelques moments sordides, échappe malgré tout au scabreux grâce à un travail assez fin d'écriture et une mise en scène proche de chacun des personnages dont on perçoit les manques et les désirs. Il faut bien que jeunesse se passe et celle-ci n'est pas si différente de celles qui sont venues avant, hormis sans doute l'usage immodéré des outils technologiques qui sont autant de supports pour transgresser les règles et vivre ses propres expériences, au risque de se brûler les ailes. Les trois histoires en parallèle ne forment pas tout à fait une œuvre chorale même s'il y a plusieurs carrefours de protagonistes. Aucun des récits n'aurait suffisamment de force pour former chacun un long-métrage à part entière mais leur assemblage, plutôt bien fait, avec de légères nuances dans leur tonalité, s'avère concluant, avec une interprétation d'un excellent niveau. Et puis, le film se garde bien de juger ces jeunes gens, considérant que c'est souvent en essayant voire en se fourvoyant que l'on apprend à ne plus répéter ses erreurs.
Note : 6,5/10
Sputnik, Egor Abramenko, Russie.
Dans l'espace, personne ne vous entend ..., oui, oui, on sait, et à défaut de revoir l'étalon incontesté en la matière, le Sputnik réalisé par le jeune Egor Abramenko (33 ans) constitue une variante "agréable", davantage grâce à son atmosphère "soviétique" (le film se passe en 1083 au Kazakhstan), que pour son scénario, malin mais pas non plus exonéré de clichés inhérents au genre. Au moins, la mise en scène est efficace, à perdre Alien, et sa relative prévisibilité n'entache pas le plaisir immédiat. Quelques scènes gore sont là pour provoquer des haut-le-cœur mais avec modération et le méchant de service est délectable tandis que l'experte scientifique et néanmoins humaine ne se laisse pas démonter par tous les mâles qui l'entourent. Cool. Le film possède même une sous-intrigue, assez mélodramatique, il faut bien le dire, mais qui a le mérite d'élargir le champ d'observation et d'éloigner Sputnik de la simple série B d'horreur. En reprenant le sujet de son court-métrage Passazhir et en l'étoffant pour en faire un long, Egor Abramenko montre qu'il a de la suite dans les idées et accroit le spectre thématique du cinéma russe, au même titre que l'excellent et spectaculaire Salyut 7. Bon, on a le droit de préférer les films de Zviaguintsev ou Serebrennikov mais ce n'est pas une raison pour négliger des œuvres plus instantanées.
Note : 6,5/10
Non odiare, Mauro Mancini, Italie.
Consacré meilleur film italien au Festival de Venise, Non odiare est le premier long-métrage de Mauro Mancini qui lui a été inspiré par un fait divers allemand. La confrontation indirecte entre un homme juif et un jeune garçon d'extrême droite, constitue le socle du film, tout en nuances et en économie de dialogues. Ces deux personnages (le second est moins important que sa sœur, engagée par le premier à la suite de circonstances qu'il serait dommage de révéler) ont des opinions et surtout des rejets évidemment opposés et tout l'intérêt de Non odiare est de mettre ces convictions à l'épreuve de faits inattendus. Le scénario est magnifique, bien qu'un peu forcé en un ou deux endroits, mais sans mettre en péril la construction du récit et son long cheminement vers une forme d'apaisement et de remise en question pour chacun des protagonistes. L'élégance de la mise en scène et la fluidité du montage sont évidents dans ce film où ce qui est tu est bien plus important que ce qui est dit (on peut éventuellement penser à Kieslowski par certains côtés). Le long-métrage, sans chercher forcément d'explications à la fascination d'une certaine jeunesse pour l'extrême droite, montre aussi comment les différences de classes sociales nourrissent les haines. La musique, souvent une béquille à surligner, est ici également très discrète et ne vient jamais surligner. Marmoréen d'aspect , avec sa barbe grise et sa très haute stature, Alessandro Gassmann est parfait dans le rôle principal, à la fois ténébreux, solitaire et fragile.
Note : 8/10
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