Grappillage de vieux films (Mai/3)
Daïnah la métisse, Jean Grémillon, 1932
Sur un paquebot en route vers Nouméa, une belle métisse attise les passions. Un mécanicien, dont les avances ont été repoussées, jure de se venger. La jeune femme disparait en mer peu après. Moyen-métrage de moins de cinquante minutes, le film a été mutilé par la Gaumont. Ce qui ne fait que renforcer son mystère et son caractère opaque : y a t-il eu meurtre ou suicide ? Outre Charles Vanel, les rôles principaux sont tenus par deux acteurs de couleur, fait peu banal dans le cinéma français des années 30. La mise en scène de Grémillon est hypnotique et l'atmosphère somnambule. Le film culmine dans une scène de bal masqué, sensuelle et malsaine, qui préfigure celle de Eyes wide shut de Kubrick.
Mon père avait raison, Sacha Guitry, 1936
Quitté par sa femme 20 ans plus tôt, un homme a élevé seul son fils jusqu'au retour inattendu de l'épouse. Tourné la mêmeannée que Le nouveau testament et également issu d'une pièce du maître (datant de 1919), Mon père avait raison n'est rien d'autre que du théâtre filmé sans aucune tentative de Guitry pour lui donner un aspect cinématographique. Le sujet est prétexte à de crépitants dialogues, relativement misogynes mais drôles, et à l'évocation des sujets qui taraudent Guitry dont ceux de la vieillesse, de la mort et évidemment de la relation aux femmes. Interprétation délicieuse de l'auteur, cela va sans dire mais aussi de sa femme Jacqueline Delubac sans oublier la fidèle Pauline Carton, inénarrable comme toujours. Un petit Guitry, soit, mais qui vaut largement le coup d'oeil.
Nez de cuir, Yves Allégret, 1952
Gravement blessé lors des dernières guerres napoléoniennes, Roger de Tainchebraye porte désormais un masque. Ce qui ne l'empêche pas de multiplier les conquêtes féminines et de cultiver le cynisme. Cinéaste pessimiste et noir, Allégret ne réussit pas son passage au film d'époque qui, loin d'être une méditation sur la vanité d'un homme qui a oublié la plupart de ses valeurs, se fait languissant et bavard à peine rehaussé par quelques scènes au réalisme magique. Avec Jean Marais au générique, Allégret cherche à trouver un ton à la Cocteau alors que le sujet ne s'y prête pas vraiment. Nez de cuir est bien oublié aujourd'hui, y compris dans la filmographie d'Allégret où on lui préfèrera des titres tels que Dédée d'Anvers, Une si jolie petite plage ou Les miracles n'ont lieu qu'une fois.
La lumière d'en face, Georges Lacombe, 1955
Victime d'un grave accident, un routier reprend un bar/restaurant avec sa jeune épousée. Mais son état nerveux s'aggrave de même que sa jalousie. S'il n'est pas un remake du Facteur sonne toujours deux fois malgré certaines analogies, le film tente d'imposer un climat anxiogène sans y parvenir vraiment. La sensualité de Bardot, juste avant Vadim, est éclatante mais le jeu de l'actrice n'est pas à la hauteur surtout face à un Raymond Pellegrin comme toujours remarquable. L'intrigue se traîne un peu et son issue prévisible avec un dénouement moral visiblement plaqué et sans doute plus ou moins imposé par la censure. Film de fin de carrière pour Georges Lacombe dont on préfère les oeuvres des années 40.
Le joueur, Claude Autant-Lara, 1958
A Baden-Baden, un général russe, criblé de dettes, espère s'en sortir en touchant l'héritage d'une vieille tante qui tarde à mourir. Pauline, sa fille est aimée sans retour par le précepteur Alexeï. Il est de bon ton d'affirmer que la pente descendante d'Autant-Lara commence en 1958, deux ans après La traversée de Paris. Cette adaptation de Dostoïevski n'est pas la meilleure (Passion fatale de Siodmak avec Gregory Peck la surpasse) et elle frise souvent le grotesque dans sa première partie avec le surjeu de Bernard Blier et de Françoise Rosay, Liselotte Pulver et Gérard Philipe restant en dedans. Les dernières minutes à la roulette sont un peu plus animées, dans l'enfer de la roulette, en dépit d'un dénouement qui trahit le roman. Globalement décevant.
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