Cinéphile m'était conté ...

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Fagot de vieux films (Février/4)

La religieuse, Jacques Rivette, 1967

Oublions son titre de sortie (Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot), la polémique de l'époque et surtout la version de 2013, très pâle, de Guillaume Nicloux. L'aura de chef d’œuvre, concernant le film de Rivette, semble un tantinet abusive, tout comme son succès en salles fut certainement causé par le parfum de scandale. Deux couvents, deux ambiances : la fracture est nette entre ces deux lieux où souffre sœur Suzanne, forcée à l'enfermement par sa famille. Cette rebelle, face au sadisme puis à la concupiscence d'une mère supérieure, est traitée dans une austérité et un certain classicisme qui n'ont que peu à voir avec la doctrine de la Nouvelle Vague. Si le film n'est pas ennuyeux quoiqu'un peu lourd, il le doit surtout à l'excellence du jeu d'Anna Karina, omniprésente, dans cette œuvre pas aussi anti-cléricale que décrété par ceux qui ont réclamé son interdiction et qui, évidemment, ne l'avaient pas vu. Rivette a modifié la fin du roman, c'était son droit mais les dernières minutes, vite expédiées, ne sont pas ce qu'il y a de mieux dans le long-métrage. Si jamais un classement des meilleurs films de couvent était réalisé, La Religieuse serait à coup sûr dans un Top 5 mais pas à la première place, l'étonnant La Fourmilière (1971) de Zoltán Fábri lui étant assez supérieur, ne serait-ce que par son traitement moins pesant, plus subtil (et assez insolent) du confinement religieux.

 

Le vieil homme et l'enfant, Claude Berri, 1967

Qui pourrait détester le premier long-métrage de Claude Berri, chronique en grande partie fidèle de son "exil" à la campagne, durant les mois qui ont précédé la Libération ? L'histoire est à hauteur d'enfant, autour de l'amitié entre un ancien combattant, pétainiste et antisémite, et ce garçon juif de 9 ans, qui doit cacher ses origines. Cette vision de la France occupée n'a pas la prétention de raconter l'état des lieux de l'époque mais de saisir la sensibilité d'un enfant qui ne comprend pas tous les enjeux de la guerre mais qui joue avec les préjugés de son grand-père de circonstance en nous impliquant dans le ridicule de ces a priori. L'on attend un ressort dramatique supplémentaire, comme la confrontation attendue du vieil homme avec l'identité de son petit protégé, mais elle n'aura pas lieu. Personne ne meurt dans le film (quid de la vie des parents durant sur cette période ?) et les Allemands sont absents, de même que la Résistance, d'ailleurs. Car Berri a souhaité avant tout focaliser son intrigue sur cette relation entre un gamin innocent coupé de sa famille et un vieux bougon aux idées préconçues mais au cœur d'or. Michel Simon, au milieu d'interprétations plus ou moins convaincantes, est prodigieux dans l'un de ses meilleurs rôles de la dernière partie de sa carrière.

 

Bande à part, Jean-Luc Godard, 1964

Au fond, Bande à part c'est le Jules et Jim de Godard, avec son trio infernal et amoureux. Dans lequel, de manière presque caricaturale, il est aisé de pointer les convergences et différences du cinéaste franco-suisse avec François Truffaut. Le film raconte quelques chose de construit, chose notable chez Godard, mais de moyennement captivant, et vaguement inspiré d'un roman américain. Un ersatz de film noir, à la française, ou de série B, qui ne privilégie pas l'action mais l'intériorité, assez creuse hélas, de ses trois héros, que commente avec emphase et prétention la voix off du réalisateur. La traversée du Louvre est amusante mais bien brève et la seule scène qui mérite d'être admirée est celle de la danse dans le café où l"élégance de Sami Frey fait merveille. Anna Karina joue une ravissante idiote mais on lui pardonne car il s'agit d'un rôle de composition (pour la bêtise, pas pour la beauté) et Claude Brasseur semble un peu absent. Certains passages (le cours d'anglais) s'étirent en longueur sans raison alors que d'autres sont escamotés. Bref, ce n'est pas avec Bande à part que les pro et anti Godard peuvent se réconcilier. Les plus neutres y trouveront quelques moments agréables et le restant franchement sans intérêt.

 



20/02/2024
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