Et enfin, c'est le Drame (Le livre des Baltimore)
Chacun a le droit de donner son avis. D'aimer ou pas. Donner envie est plus sain que de brandir l'anathème. "Si vous détestez, n'en dégoûtez pas les autres" ?? Ah bon ? Ecrire pour ne rien dire vaut-il mieux que décrire pour mieux médire ? Pff, que tout ceci est ennuyeux. C'est finalement tout un art que d'enfiler les clichés comme des perles et de concocter un roman où les ficelles sont des câbles tout en ménageant la chèvre et le chou et l'indispensable suspense. Le livre de Baltimore est de ces ouvrages qui jettent de la poudre aux yeux avec un certain talent d'illusionniste. Dès les premières pages, il y est question d'un Drame (notez la majuscule) qui a bouleversé la vie du narrateur, laquelle tragédie ne sera révélée que quelque 500 pages plus loin. En attendant, Dicker s'amuse à nous faire lanterner dans une saga familiale on ne peut plus américaine. La construction est faussement complexe mais l'auteur nous tient par la main en nous expliquant plusieurs fois de quoi il retourne entremêlant avec onctuosité les vicieux méandres de ses différentes intrigues. Le fait est qu'il est fort malin notre helvète (pas)bête-seller. Les pages se tournent toutes seules, c'est drôle tout de même, parce que bon, ce fameux Drame, le lecteur en animal curieux aimerait bien savoir en quoi il consiste ! Nous avons sous la main des personnages jeunes, beaux, riches et bientôt célèbres et n'est-ce point délectable d'assister à leur déchéance ? Dicker n'est pas Dostoïevski, il le doit le savoir lui-même, mais pas manchot, il calcule ce qu'il a à faire pour maintenir l'intérêt. Ok, il connait tous les ingrédients nécessaires pour peaufiner un blockbuster littéraire mais encore faut-il savoir les doser avec une main sûre jusqu'au dénouement tragique promis dès l'entame du livre. Et soudain c'est le Drame, oui, mon bon monsieur, ma bonne dame, enfin. C'est pur masochisme que de lire ces dernières pages mais il y a le soulagement d'en avoir terminé avec un bouquin dont on se demande pourquoi, en dépit de ses réticences, on ne s'en est pas débarrassé auparavant. Il y a un côté chewing gum mâché et remâché chez Dicker. Il n'a pas beaucoup de goût mais vos mâchoires s'y sont habituées. Et il reste quoi ensuite ? Rien, si ce n'est l'envie de mordre dans quelque chose de plus consistant. Le livre des Baltimore n'est pas un si mauvais bouquin, somme toute. Il permet d'écrire à son sujet tout et n'importe quoi. Allez, c'est bon ? On peut passer à autre chose ?
L'auteur :
Joël Dicker est né le 16 juin 1985 à Genève. Son premier roman, Les derniers jours de nos pères, passe relativement inaperçu. Mais pas son deuxième, La vérité sur l'affaire Harry Quebert, best seller, Grand Prix du roman de l'Académie française et Goncourt des lycéens 2012.
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