Ecran total à La Rochelle (8)
Une journée de cinéma engagé et/ou militant. Avec 120 battements par minute, L'atelier et L'usine de rien. Pour la légèreté, ce sera plus tard ...
120 battements par minute, Robin Campillo, sortie le 23 août
L'accueil fut triomphal à Cannes et le succès public ne fait pratiquement aucun doute, en attendant des César prévisibles : 120 battements est-il donc le chef d'oeuvre annoncé ? Pas tout à fait, pourtant. Ce passage à l'Act (Up) est très pédagogique en son début, ce qui peut se comprendre, vu que tout le monde n'a pas connu les années terribles du Sida ou a oublié, pour les plus anciens, les ravages de la maladie et le militantisme des membres d'Act Up. Le film se construit en trois temps, à de nombreuses reprises : la discussion (lors des rencontres hebdomadaires de l'association), l'action (violente et radicale), l'émotion (les histoires d'amour). Une triple exposition qui ne sera brisée que dans la dernière partie du film qui voit l'intime prendre le pas sur le collectif, qui touche certes mais avec une narration plus classique qui fait regretter quand le film est plus teigneux et moins consensuel (avis subjectif évidemment). On retrouve le Romain Campillo d'Eastern Boys dans des scènes de danses où les corps oublient la douleur et atteignent la transe. Là encore, l'aspect répétitif de ces moments empêche d'y adhérer tout à fait. De façon évidente, Campillo a voulu marier réalisme et symbolisme en stylisant parfois sa manière, démarche compréhensible pour éviter au film de n'être que militant ou encore un requiem tragique. Le mélange des genres fonctionne sur un mode trop systématique pour convaincre pleinement mais reconnaissons une valeur précieuse de témoignage et d'hommage. Le cinéaste a consacré beaucoup d'énergie à la direction d'acteurs et il est pleinement récompensé : Nahuel Perez Biscayart, en particulier, est formidable dans un premier rôle exigeant auquel il se donne corps et âme.
L'atelier, Laurent Cantet, sortie le 11 octobre
Le making of de L'atelier sera sans doute un jour disponible et il méritera à coup sûr le détour. Car Laurent Cantet et son équipe ont certainement dû s'employer pour arriver à ce naturel épatant de ses comédiens amateurs qui font face à une Marina Foïs qui trouve ici l'un de ses premiers rôles. Le film est bavard, certes, dès lors qu'il s'attache à transcrire les dialogues d'un atelier d'écriture, mais n'ennuie jamais tant il nous montre avec finesse les mécanismes de groupe tout en ne négligeant pas les aspects psychologiques de chacun des personnages. Ces jeunes en difficultés scolaires habitent une ville au passé riche, La Ciotat, et ce double aspect permet au film d'acquérir une densité supplémentaire. Mais de film collectif, L'atelier devient assez vite le théâtre d'une relation complexe (attraction/rejet) entre l'enseignante qui est également romancière et l'un de ses élèves. Même si cette intrigue à l'importance grandissante n'est pas ce que l'on retiendra en priorité de L'atelier, parce qu'elle n'est pas loin d'être caricaturale et en tous cas assez schématique, cette couche de pure fiction vient enrichir un fond davantage documentaire qui n'est pas aride pour autant. Un film qui s'inscrit avec bonheur dans l'itinéraire d'un cinéaste au parcours passionnant, de L'emploi du temps à Retour à Ithaque.
L'usine de rien, Pedro Pinho, sortie le 13 décembre
Avec ses trois heures de durée et un discours que l'on devine militant, L'usine de rien fait un peu peur a priori même avec la promesse d'un final musical. Et on a raison de le craindre, ce film portugais effectivement engagé, et qui n'a pas peur de parler dialectique durant de très longs tunnels narratifs. Même si le film fait parfois preuve de légèreté ou s'aventure parfois sur le terrain de la comédie ou de la chronique sociale, il est clair que le réalisateur, Pedro Pinho, en fait avant tout un acte politique qui passe par des discours et des démonstrations dont on ne discutera pas la pertinence et l'acuité mais qui, à moins d'être prêt à écouter plutôt qu'à voir, ne devrait pas prendre le pas sur d'autres aspects, purement cinématographiques, eux. S'il se permet parfois quelques respirations bienvenues, L'usine de rien assomme par sa parole débordante. Et cela, sur près de 180 minutes, c'est assez difficilement supportable.
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