Cinéphile m'était conté ...

Le cran d'arrêt (The turning Point), William Dieterle, 1952
Un procureur est chargé de nettoyer la ville de son syndicat du crime. Un reporter de ses amis ne le croit pas à la hauteur de la tâche et découvre en parallèle que le père du premier est corrompu. Un film noir de facture classique qui file comme un train dans la nuit et se regarde avec plaisir pour la psychologie complexe du journaliste incarné par le toujours excellent William Holden. In fine, la morale est sauve mais pas sans dégâts du côté des bons. Le happy end est n'est pas si heureux et le film pas si routinier qu'il en a l'air.

Monsieur La Souris, Georges Lacombe, 1942

Un clochard est involontairement mêlé au meurtre d'un grand financier. Alors que la police piétine, il va benoîtement découvrir le coupable. Adapté par Marcel Achard d'un roman de Simenon, Monsieur La Souris est entièrement centré sur le personnage de Raimu qui en fait des mégatonnes. Mais on suit ses péripéties pour cette raison même passant outre le côté laborieux de l'intrigue. Il y a aussi quelques gueules mémorables dans le film, ces fameux seconds couteaux du cinéma français des années 30 et 40, à commencer par le céleste Aimos, formidable titi parisien mort sur une barricade lors de la Libération de Paris. Le film, tourné en pleine Occupation allemande, compte malgré tout quelques scènes extérieures. Un véritable tour de force en ces temps difficiles.

Hommes et loups (Uomini e lupi), Giuseppe de Santis, 1957
L'hiver, dans les montagnes des Abruzzes, les loups attaquent les troupeaux de moutons. Les paysans engagent des chasseurs. Moins connu que ses films néoréalistes, Hommes et loups est un solide mélodrame de de Santis, magnifié par ses images en couleurs de la nature. Les corps à corps avec les loups sont magnifiques. Son aspect romantique est très développé et malgré les aléas de la coproduction internatinale, Pedro Armendariz et surtout Yves Montand y sont très crédibles. Et au milieu, digne et sobre, trône la Mangano, comme toujours excellente.

Rikugun, Keisuke Kinoshita, 1944
La famille Takagi a toujours été patriote et attend avec impatience que le fils aîné soit envoyé sur le front. Réalisateur depuis 1943, Kinoshita tourne son film le plus ambitieux de ses débuts avec Rikugun (L'armée). Il s'étend sur plusieurs générations, depuis le milieu du XIXe siècle, le discours ne variant pas au fil du temps, dans le soutien indéfectible à l'empereur et à l'armée nationale. Film de propagande et militariste, alors ? A première vue, oui, et comment faire autrement quand la censure veille. Kinoshita parvient cependant à montrer une opposition à cette façon de voir, ne serait-ce que dans les dernières scènes, toutes empreintes d'émotion, quand la mère court au milieu de la foule et des drapeaux et pleure de tout son corps alors que son fils défile avant de partir à la guerre. Les travellings de fin sont absolument déchirants et d'une grande virtuosité.

Les trafiquants du Dunbar (Pool of London), Basil Dearden, 1951
Un cargo arrive dans le port de Londres. L'un des marins, habitué de la petite contrebande, est impliqué dans un gros coup. Un film noir remarquable réalisé au sein des célèbres Studios Ealing par le très sous-estimé Basil Dearden. Au-delà du thriller, Pool of London est un exceptionnel témoignage sur le Londres de l'immédiat d'après-guerre, encore en reconstruction et sur la mentalité de l'époque. Le film met en scène la première liaison interraciale du cinéma britannique avec une délicatesse et un réalisme formidables. Avec ses différents niveaux de lecture, son souci du détail dans une mise en scène précise, son interprétation impeccable, son ryhme trépidant, il s'impose comme une oeuvre incontournable du cinéma britannique des années 50.