Cueillette de vieux films (Juin/1)
Le désordre et la nuit (Gilles Grangier, 1958)
Un patron de boîte de nuit est assassiné. Le flic qui enquête se prend d'affection pour la petite amie du trépassé. Gabin, dans le rôle du policier fait vaguement penser à Maigret mais l'atmosphère du film nullement aux atmosphères de Simenon. Drogue, jazz et alcool. Le cocktail est celui que l'on trouve dans nombre de longs-métrages français des années 50. Mais Grangier n'est qu'un réalisateur modeste et le rythme paresseux qu'il imprime à l'affaire est assez décourageant. Ni film noir à proprement parler, ni policier, Le désordre et la nuit devient un avatar de film psychologique avec la relation père/fille qui s'instaure entre Gabin (monolithique) et l'actrice autrichienne Nadja Tiller, aux faux airs de Romy Schneider mais au talent limité. Ce sont les seconds rôles qui sauvent le film de la routine : Frankeur, Hanin et surtout Danielle Darrieux.
Anna et les loups (Ana y los lobos, Carlos Saura, 1972)
Ana est engagée comme gouvernante dans un grand domaine bourgeois. Elle va devoir affronter les frustrations et les névroses des trois frères de la maison. Dans la filmographie de Saura, Anna et les loups se situe entre Le jardin des délices et Cousine Angélique. L'allégorie est cette fois limpide, les trois hommes représentant la société espagnole : pouvoir, religion et sexe. Non dépourvu d'un certain humour noir dans un premier temps, le film tourne finalement à l'hystérie et perd en subtilité. Entre Bunuel et Bergman mais avec un peu de talent en moins.
Les vertes années (Os verdes anos, Paulo Rocha, 1963)
Julio, 19 ans, quitte sa province pour Lisbonne et l'atelier de réparation de chaussures de son oncle. S'il a moins tourné que ses compatriotes de Oliveira et Monteiro, Paulo Rocha est à juste titre considéré comme le premier représentant du cinéma "novo", notamment avec ce premier film, sous influence néo-réaliste, qui refuse le mélodrame pur avec une distanciation toute littéraire. Au-delà de l'intrigue, relativement banale, c'est la forme qui convainc. Et particulièrement l'élégance de sa mise en scène et la fluidité de son montage qui gomme toutes les transitions.
Elle et lui (Dvoje, Aleksandar Petrovic, 1961)
Une histoire d'amour débute un soir, par hasard, dans une rue de Belgrade. Elle se terminera un an plus tard. Aleksandar Petrovic, surtout connu pour J'ai même rencontré des tziganes heureux, est avec Dusan Makavejev le meilleur représentant de ce que l'on appelé la "vague noire" du cinéma yougoslave des années 60, taxée volontiers de nihiliste, anti-socialiste et manichéenne par le pouvoir titiste. La trame d'Elle et lui est d'une grande simplicité, elle conte la rencontre amoureuse puis le temps de la désillusion, de façon analytique et sans trémolos. Avec sa bande son jazzy, le film, plastiquement superbe, parvient à l'émotion sans véritablement la chercher. A noter que l'interprète principal ressemble à s'y méprendre à Anthony Perkins.
Le chat noir (Yabu no naka no kuroneko, Kaneto Shindô, 1968)
Violées et assassinées par un groupe de samouraïs, une femme et sa belle fille deviennent des fantômes possédés par l'esprit d'un chat noir et obsédés par la vengeance. Dirigé par Kaneto Shindô (Onibaba, L'île nue), le film ne pouvait être une simple déclinaison du genre fantastique. Avec une économie de moyens stupéfiant, le réalisateur crée une atmosphère brumeuse et onirique que le scénario transforme en dilemme cornélien quand le samouraï qui se présente devant les deux femmes s'avère être le fils de l'une et l'époux de l'autre. Splendides images au service d'un drame shakespearien qui aurait été revisité par le théâtre kabuki. Un must absolu pour les amateurs de cinéma japonais. Le film était sélectionné pour le festival de Cannes 1968 qui, comme on le sait, n'eut pas lieu.
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