Cinéphile m'était conté ...

Saltimbanques (Saltimbacos, Manuel Guimaraes, 1951)
Un soir, un étranger se fait embaucher dans un petit cirque qui peine à joindre les deux bouts. Il reprend son "métier" de trapéziste auprès de la fille des responsables du cirque. Mais celle-ci n'en peut plus de cette vie misérable. Loin, très loin des grands films hollywoodiens consacrés au sujet, Saltimbacos, premier long-métrage de Manuel Guimaraes, décrit les difficultés quotidiennes de ces artistes qui ne mangent pas tous les jours à leur faim, le public se faisant de plus en plus rare. Guimaraes ne montre pas mais laisse deviner la pauvreté du Portugal au début des années 50. Un film simple, qui n'en rajoute pas dans le drame même si, quand même, un peu à la fin.

Il birichino di papa (Rafaello Matarazzo, 1943)
Un père veuf s'inquiète pour sa fille aînée dont le mari est un Don Juan impénitent. Quant à sa cadette, elle ne supporte pas le collège ni les infortunes de sa soeur. Elle s'enfuient chez un avocat. Tout commence et se termine par des chansons dans cette charmante comédie farfelue destinée à un public italien qui avait bien besoin de sourire. La musique est de Nino Rota (un de ses thèmes sera repris dans Le guépard). On commence à se rendre compte de l'importance de Matarazzo dans le cinéma italien, pour ses comédies des années 30 et 40, irréssistibles, et ses mélodrames à partir de 1950.

La belle de Saïgon (Red Dust, Victor Fleming, 1932)
Une plantation de caoutchouc en Cochinchine. L'arrivée de deux femmes, une aventurière et la femme d'un nouvel ingénieur, va semer le trouble dans la vie du maître des lieux. Une vraie mécanique de précision que ce film daté de 1932, soit avant l'instauration du Pre-Code, pas très politiquement correct et sexuellement explicite (pour l'époque évidemment). Clark Gable est au sommet de sa virilité et n'a pas de mal à séduire Mary Astor, très BCBG. Pour parfaire le triangle amoureux, Jean Harlow, insensée de vulgarité, vole le show. Le caractère raciste du film est gênant mais conforme aux comportements d'alors. Rythmé, orageux, sensuel, Red Dust est digne du réalisateur d'Autant en emporte le vent.

Le tunnel (Curtis Bernhardt, 1933)
Un ingénieur conçoit le projet fou de relier l'Amérique à l'Europe par un tunnel. Le chantier, malgré les pertes humaines, les sabotages et les intrigues financières, est finalement achévé après 15 ans de travaux. C'est évidemment de la (science)fiction irréaliste pour l'un des rares films catastrophes français. Jean Gabin est particulièrement bon en meneur d'hommes tandis que Madeleine Renaud se morfond dans un rôle décoratif. D'impressionnantes scènes de panique et quelques effets spéciaux remarquables pour l'époque font oublier une intrigue sans grandes surprises. Une version allemande, avec des interprètes différents, a été tournée en parallèle. Juif, Curtis Bernhardt quitte l'Allemagne en 33. Il réalise en France et en Angleterre avant de faire la majeure partie de sa carrière à Hollywood.

Kamikaze club (Kyokatsu kogo waga jinsei, Kinji Fukasuku, 1968)
Trois gars, une fille. Leur métier : faire chanter les puissants. Et cela se passe plutôt bien jusqu'au jour où ils s'attaquent à bien trop fort pour eux. De Fukasuku, on remarque d'emblée le style : rageur et quasi hystérique : des effets de zoom énormes, des arrêts sur image, des scènes en noir et blanc pour les flashbacks. Violent mais sans non plus atteindre l'insupportable. La manière brute s'affine peu à peu quand la Série B survoltée devient film politique avec dénonciation virulente du système oligarchique où les plus corrompus détiennent les rênes du pouvoir dans le Japon de la fin des années 60. Un vrai film contestataire dans la mouvance des films d'Oshima de la même époque. En plus pessimiste encore.