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Le mécano de la "General" (The General, Buster Keaton/Clyde Bruckman, 1927)
Bon, là, on ne plaisante plus. C'est "The" Chef d'oeuvre, régulièrement classé dans les plus grands films de l'histoire du cinéma.
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Le cheminot Johnnie Gray partage sa vie entre sa fiancée Annabelle Lee et sa locomotive, la General. En pleine Guerre de Sécession, il souhaite s'engager dans l'armée sudiste, mais celle-ci estime qu'il se montrera plus utile en restant mécanicien. Pour prouver à Annabelle qu'il n'est pas lâche, il se lance seul à la poursuite des nordistes qui se sont emparés d'elle et de sa locomotive. |
Le film a bénéficié de moyens énormes, l'une des scènes, le déraillement d'un train sur un pont, est la plus coûteuse de l'histoire du cinéma muet, filmé par 6 caméras. C'est d'une course-poursuite hallucinante dont il s'agit, dans le sens sud/nord, puis l'inverse, entre Keaton dans sa locomotive et un train d'ennemis nordistes. Il est rare qu'un film maintienne un tel rythme infernal du début à la fin. Mais ce n'est pas tout, Le mécano parvient à être à la fois réaliste (voir la bataille de la fin), poétique, drôle (Buster a toujours autant de problèmes avec les objets) et émouvant. Parfois, tous ces éléments sont réunis en une même scène. Prodigieux.
Le génie du film vient en grande partie de son caractère symétrique. Analyse pointue sur le site www.clermont-filmfest.com :
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Selon le découpage séquentiel, Le Mécano de la « General » paraît proposer une division en cinq actes, comme dans le théâtre classique. Mais la structure dramatique d’un film burlesque, particulièrement de Keaton, ne préexiste jamais au personnage et à son mouvement et ne saurait se conformer qu’enapparence à des catégories préexistantes. Le prologue, la conclusion et la pause centrale (A, C et E) n’occupent qu’une faible place (10 à 12’), contre deux longs développements (19’ et 20’)… Plus évidente apparaît la parfaite symétrie entre ces deux grandes parties (B et D), où les trains effectuent les mêmes trajets en sens inverse, avec les mêmes épisodes : ravitaillement en bois et en eau (provoquant des arrosages inattendus), destruction d’une cloison d’un wagon envoyé ensuite difficilement sur une voie de garage, jet de poutres ou caisses sur la voie ferrée, aiguillages trafiqués, etc… Ce parallélisme rigoureux, qui pourrait passer pour académique, a des effets pervers. On a reproché au film, à sa sortie, dans un réflexe outragé, de mêler le burlesque aux atrocités réelles de la Guerre civile. On n’a guère parlé d’un autre aspect du film, bien plus dérangeant une bonne soixantaine d’années après les faits : la réversibilité des situations. En décidant de donner le beau rôle aux Sudistes - et il est vrai que les généraux nordistes ne sont pas gâtés ! -, Keaton ne prend pas parti. Le Sudiste Johnnie est d’abord le poursuivant fort de son droit, puis il « vole » une locomotive – certes, sa « General »… Selon les circonstances, les pirates comme Johnnie revêtent l’uniforme de l’Union ou des Confédérés, sans le moindre état d’âme. À la fin, ce n’est plus un retournement, mais un changement de veste (et de galons) qui fait du mécanicien un soldat, de l’amoureux éconduit un homme comblé… Keaton ne délivre pas de message politique, mais sa vision des divisions susceptibles de justifier une guerre est ici nettement perceptible. Ajoutons au scepticisme keatonien le fonctionnement mécanique comme dramatique de la« General » : elle pète le feu aussi bien pour le Nord que pour le Sud ! |
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