Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cette année à La Rochelle (3)

 

Au programme : France, Portugal et Ukraine.

 

La Montagne de Thomas Salvador

Les 20 premières minutes de La Montagne ressemblent assez à un film commandité par les offices de tourisme des régions alpines, avec en sus l'histoire si souvent ressassée du retour à la nature pour un citadin fatigué de la vie moderne. Mais c'est mal connaître Thomas Salvador, le réalisateur de Vincent n'a pas d'écailles, pour croire que l'on va en rester là. Le vertige des cimes et l'ivresse des sommets n'arrivent qu'ensuite, alors que les silences vont peu à peu s'imposer aux paroles humaines. Il s'agit de suivre les aventures inattendues d'un impénétrable homme des neiges, joué par Thomas Salvador lui-même, très Buster Keatonien. Contemplatif, le film ne l'est plus seulement, même si les images restent somptueuses à haute altitude, car il devient poétique, fantastique, tendre et drôle, également, par petites touches discrètes. C'est un beau trip que s'est offert le cinéaste, avec évidemment un message écologique sous-jacent et intelligemment non asséné, et le spectateur, qui pourra être médusé par cette lumineuse fusion de l'homme et de la montagne, a le choix de le suivre ou non dans cette très originale épopée personnelle. Il est conseillé de se laisser doucement faire car l'expérience n'est pas loin de toucher à l'extase. Mais pas d'hypothermie à craindre, le voyage se fait par paliers et il est même frustrant de redescendre sur le plancher des vaches. Heureusement que la rayonnante Louise Bourgoin est là pour rassurer et apaiser après un tel dérèglement des sens.

 

Alma Viva de Cristèle Alves Meira

Le premier long-métrage de Cristèle Alves Meira, Alma Viva, est-il autobiographique ? Il est en effet permis de penser que la fillette (incarnée de splendide façon par la prometteuse Lua Michel), un peu sorcière, du film, ressemble à l'enfant que fut la cinéaste, issue d'une famille franco-portugaise. Cette chronique d'un été, dans un petit village cerné par la montagne, joue aussi bien sur le registre familial, avec conflits à la clé, que sur une sorte de réalisme magique, tissant un lien entre l'invisible et le réel, qui unit aussi une grand-mère et sa petite-fille. Pour la réalisatrice, née en France, et qui a travaillé pour le théâtre et tourné courts-métrages et documentaires, Alma Viva marque son retour dans le pays de ses origines, peut-être un peu fantasmé. Toujours est-il que le film se heurte parfois au mélange impossible entre un côté très viscéral pour montrer la vie et la mort et l'étrangeté des situations qui impliquent la petite sorcière de la famille. Il y a heureusement de l'humour et un bon sens de l'absurde pour créer des passerelles et installer un climat changeant, où tout peut prendre un aspect dramatique sans qu'il n'y ait cependant rien de tragique. L'on émerge du film avec un sentiment un tantinet mitigé mais sans avoir subi ennui ou pesanteur. Une carrière de cinéaste singulière à suivre, pourquoi pas ?

 

Pamfir de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Il est assez logique que l'intérêt pour le cinéma ukrainien soit des plus vifs, ces derniers mois, avec une exposition dans les festivals à la clé et, pour plusieurs œuvres marquantes, la possibilité d'être distribuées dans le réseau des salles. Pour autant, puisque le tournage de certains films est antérieur à l'invasion du pays par la Russie, toutes les thématiques traitées ne concernent pas le conflit qui occupe les premières pages des journaux. Ainsi, l'action de Pamfir, réalisé par Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, se déroule à l'ouest de l'Ukraine, à proximité de la frontière roumaine et les sujets y sont aussi bien la corruption que la religion ou l'exil à l'ouest pour gagner sa vie. Le film brasse plusieurs genres avec une certaine maîtrise : thriller, chronique familiale, comédie, avec en sus l'atmosphère masquée d'un carnaval rural. D'une certaine manière, Pamfir est un peu victime de la richesse de son spectre narratif, avec ses personnages hauts en couleur. Ce que l'on retient avant tout, c'est la personnalité du personnage-titre, qui revient de l'Union européenne, et qui se retrouve piégé par une situation inextricable qui l'expose à renouer avec des errements passés. Peut-être que ce premier film aurait gagné à être davantage centré sur lui et son dilemme mais cela aurait été au détriment de la puissance d'un récit qui s'exprime avec agilité sur plusieurs tonalités.

 



04/07/2022
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