Butin de vieux films (Février/1)
Trois jours à vivre, Gilles Grangier, 1958
Un jeune acteur qui végète, livre un faux témoignage à la police pour un peu de publicité. Mais l'homme qu'il fait condamner s'échappe de prison et menace sa vie. Ce Gilles Grangier, adapté d'un roman Fleuve Noir, est certes un film noir mais ce n'est pas son intérêt premier. Son intrigue n'est pas très crédible et son traitement poussif. Plus captivante est sa description assez cruelle de la tournée en province d'une troupe de théâtre de seconde zone qui joue Lorenzaccio en Normandie. Les larges extraits de la pièce sont sans doute censés répondre au suspense en cours mais ce n'est guère probant. Plus que le personnage de l'acteur ambitieux, talentueux sur scène mais incroyablement veule et égocentrique dans la vie, joué par un Daniel Gélin en surrégime, c'est la stature de Lino Ventura (alias Lino Ferrari) qui donne des couleurs au film et encore davantage le rôle qui est offert à Jeanne Moreau, magnifique d'ambigüité. Les dialogues d'un Audiard, pas encore à son zénith, contribuent à faire oublier le caractère vieillot d'un film qui en d'autres mains que celles de Grangier aurait davantage eu d'impact.
L'homme de Berlin (The Man between), Carol Reed, 1953
Bien moins connu que Le troisième homme, tourné quatre ans plus tôt, L'homme de Berlin n'est pas loin de le valoir. Là encore, Carol Reed (cinéaste sous-évalué, voir Train de nuit pour Munich ou Huit heures de sursis) s'inspire de la poésie mortifère des décors d'une ville dévastée, en l'occurrence Berlin, divisée entre l'est et l'ouest, avant même la construction du mur. Des zones interlopes où l'on trouve de tout : un ancien de la Wehrmacht qui en a trop vu et une fraiche anglaise qui découvre le partage des idéologies avec naïveté. Une histoire d'amour qui peine à se lever et qui est morte née. Le film mêle le suspense, la romance et la noirceur au milieu des ruines, de la neige et des terrains vagues. Bizarrement, alors qu'on y risque sa vie, il y a une forme d'insouciance et de lâcher prise ou simplement que le destin est écrit et que cela ne sert à rien de s'insurger contre. La mise en scène est moins baroque que dans Le troisième homme mais elle est superbe tout de même. James Mason, comme d'habitude, est remarquable en cynique au coeur en hiver mais pas encore tout à fait perdu. Claire Bloom, merveilleuse actrice (Les feux de la rampe, Les liaisons coupables, La maison du diable) fait preuve d'une maturité de jeu incomparable, fausse oie blanche et vraie intelligence des sentiments. Un peu de chaleur dans la guerre froide.
Le fantôme du monastère (El fantasma del convento), Fernando de Fuentes, 1934
Trois promeneurs se perdent nuitamment dans la forêt. Ils trouvent un monastère en ruines sur leur chemin. Les ennuis commencent. Pionnier du cinéma mexicain, Fernando de Fuentes réalise l'un des tous premiers films d'horreur latino-américain. Une oeuvre riche en atmosphère et passablement avare en péripéties qui distille ses effets avec une certaine parcimonie. Une vraie curiosité que ce film un peu gâché par une interprétation souvent approximative et une morale une peu pesante mais rattrapés par un sens de l'humour horrifique. L'influence des films d'Universal est évidente de même que celle d'Eisenstein qui s'était rendu au Mexique trois ans plus tôt. Le tout mêlé au culte des morts si présent dans les traditions du pays.
La ruelle du péché (Glory Alley), Raoul Walsh, 1952
Un boxeur quitte le ring avant un combat sans raison apparente. Sa fiancée s'inquiète, le père de celle-ci le traite de couard et ne veut plus le voir. Sur ce, il s'engage pour faire la guerre en Corée. Le film traîne une mauvaise réputation, celle d'être le moins bon de Walsh. A vrai dire, c'est le scénario qui est inepte. Tout y est affaire de traumatisme d'enfance lourdement signifiant. La Corée est traitée en 10 minutes chrono : quelques escarmouches et hop, notre homme devient un héros. Mais pas aux yeux de son futur beau-père, CQFD. Oui, c'est loin d'être un chef d'oeuvre mais Walsh montre par endroits qui est Raoul. Des séquences dansées avec la talentueuse Leslie Caron (sur le plan chorégraphique parce que pour ses dons d'actrice, ils sont sujet à caution). Un peu de l'atmosphère canaille de La Nouvelle-Orléans, aussi. Enfin, et surtout, c'est l'occasion de voir un Louis Armstrong au sommet de sa forme, jouant, chantant et jouant de la trompette. Rien que pour sa prestation, le mérite d'être vu.
La chambre ardente, Julien Duvivier, 1962
En Forêt Noire, un vieil homme s'éteint dans la nuit. Ses neveux, héritiers de droit, n'attendaient que son décès. Mort naturelle ou crime ? Un Duvivier tardif qui s'inscrit dans une veine noire qu'il a souvent pratiquée dans la deuxième partie de sa carrière. Le scénario, adapté d'un livre de John Dickson Carr mêle énigme policière et surnaturel, ce dernier aspect étant traité avec une main peu lourde. Le film tarde un peu à démarrer mais c'est pour la bonne cause car il approfondit la psychologie de personnages pour la plupart cyniques et cupides. On trouve d'ailleurs dans l'interprétation de bonnes occasions de se réjouir avec Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Edith Scob, Pierrette Pradier, entre autres, et le toujours remarquable Antoine Balpêtré. Le dénouement est bien dans la manière de Duvivier : énigmatique et amoral. Un divertissement honnête, un peu pataud parfois, qui ne mérite ni louanges ni opprobre.
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