Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Bons baisers d'Arras (6)

Grand moment attendu aujourd'hui avec la projection de Sunset de Laszlo Nemes et une nette déception à la clé. Deux autres films également à mon programme dont un autre film hongrois.

 

Sauver ou périr de Frédéric Tellier

 

Il est assez étonnant que le cinéma se soit aussi peu intéressé par le passé au monde des pompiers, dont les valeurs et les participations à des actions spectaculaires semblent offrir d'immenses potentialités scénaristiques. Dernièrement, Les hommes du feu de Pierre Jolivet, passé un peu inaperçu, posait un regard pertinent sur une caserne du sud de la France, mêlant adroitement le collectif et l'individuel. Sauver ou périr est lui centré presque exclusivement sur un individu dont le destin semble tout tracé et qui, après un accident, va devoir ranger ses espoirs au vestiaire et tenter de se reconstruire. Feu le pompier, bonjour le citoyen lambda. Le film aborde le sujet avec une certaine assurance mais tombe très vite dans une suite de figures narratives attendues, dramatiquement parlant, entre le désespoir et la renaissance. Ce n'est pas que le scénario soit mal écrit, c'est qu'il est sans grande surprise et surtout que sa gestion de la pudeur et de l'intimité est fort inégal, esquivant parfois les larmes puis recherchant directement l'émotion. La déception vient tout autant de la mise en scène de Frédéric Tellier, pourtant plutôt bien inspiré en la matière dans son premier film, L'affaire SK1. Si le film ne périt pas tout à fait de par ses lacunes, il est surtout sauvé par l'interprétation de Pierre Niney, toujours juste, et par celle d'Anaïs Demoustier dans un rôle pourtant ingrat de femme de héros tombé de son piédestal dans lequel elle parvient à montrer une subtilité et une lumière épatantes.

 

Genesis de Arpad Bogdan

 

 La xénophobie est un thème qui semble obséder les cinéastes magyars, et pour cause, dans une société où le nationalisme a repris une vigueur nouvelle ces dernières années, de même que des idées suprémacistes assez nauséabondes. Genesis, le deuxième film d'Arpad Bogdan, a pour événement central une attaque et un meurtre dans la communauté rom, laquelle cristallise beaucoup de haine raciste. Le film se divise en trois parties égales qui permettent de suivre chacune un personnage mêlé directement ou collatéralement à ce drame : un enfant, une jeune fille et une avocate. Tout n'est pas toujours très clair dans la progression de la narration mais au spectateur de faire l'effort pour comprendre tous les tenants et les aboutissants et on y parvient sans trop de difficultés. En revanche, sur la réalisation, il y a beaucoup à redire. Toutes les scènes brillent, si l'on peut dire, par l'obscurité dans lesquelles elles sont montrées. Noir c'est noir, mais on aurait aimé y voir davantage. La caméra est assez souvent tremblante et le pire ce sont ces gros plans systématiques qui ne cadrent qu'une partie du visage. La réalisation de Bogdan est fatigante pour les yeux et elle ne semble surtout n'être qu'une afféterie qui ne sert en rien le propos du film auquel on s'intéresse pourtant vraiment. En rêvant à ce qu'une mise en scène simple et efficace aurait pu lui apporter.

 

Sunset de Laszlo Nemes

 

Le dernier plan séquence de Sunset est somptueux avec cette caméra qui chemine dans les boyaux des tranchées de la guerre de 14 pour se terminer sur un visage où se lit toute la détresse d'une fin du monde. Et c'est bien de cela que nous entretient Laszlo Nemes dans son deuxième long-métrage, après le choc du Fils de Saul. Sa méthode est restée la même avec ces deuxièmes plans presque systématiquement flous où l'on devine une agitation extrême. Dans Sunset, il s'agit du Budapest de 1914, perle de l'empire austro-hongrois qui rivalise d'élégance avec Vienne. Et du point de vue formel, le film est une merveille d'esthétisme et de raffinement (à noter aussi un époustouflant travail sur le son), pour mieux montrer combien les parfums de la décadence sont souvent les plus suaves. "Votre chapeau, s'il vous plait", telle est sans doute la phrase que l'on entend le plus souvent dans Sunset, tant ces dames, notamment, rivalisent pour porter le couvre-chef le plus excentrique qui soit. L'idée de donner le premier rôle à une chapellerie et à l'une de ses modistes est excellente car on y croise la meilleure société, du genre de celles qui dansent sur un volcan. Cette atmosphère très Mitteleuropa est magnifiquement rendue par Laszlo Nemes, c'est un fait indéniable, mais il faut bien en venir à ce qui cloche dans le film et il ne faut qu'une petite heure pour s'en rendre compte (soit même pas la moitié de la durée totale) : c'est le scénario. Malgré de bonnes bases de départ, celui-ci s'égare en effet dans une confusion qui ne se démentira plus où l'on devine des complots et des faux-semblants sans pour autant pouvoir les éclaircir. On a le sentiment très net que cette opacité est volontaire pour borner une époque qui se ment à elle-même. Mais le grand perdant, c'est le spectateur, qui cherche à comprendre les pistes du récit et n'est pas loin de trouver toutes les richesses du film assez vaines, en définitive. Mais pas complètement, quand même, parce que le talent de Nemes est irréfutable, mais on attend de lui à l'avenir qu'il rende ses intrigues aussi fluides que ses images. Et ce sera alors chapeau bas, à nouveau !

 



08/11/2018
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