Cinéphile m'était conté ...

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Beauté de fin du monde (Melancholia)

Melancholia. Qu’en reste t-il après ? Des images. Sublimes. D'un chaos et d'un K.O. De la fin d'un monde, et de la fin du monde. Si le silence qui suit du Mozart est encore du Mozart, celui d'après Melancholia est assourdissant et apaisé (normal, Wagner n'est pas Mozart). Paradoxal ? Certainement. L'idéal serait de voir Melancholia en ne sachant rien de son thème. Haïssons les critiques qui racontent le film de A à Z. Une ouverture et un diptyque. Trois segments dissemblables qui forment un ensemble bizarre. Mais beau. Le beau est bizarre. Le beau est bazar. Cette ouverture est fabuleuse. Muette. C'est un épilogue placé au début. Une idée géniale. A la fin du film, il faudrait pouvoir le revoir. Ce sera possible avec le DVD. En attendant, c'est notre propre esprit qui fait le lien. Et c'est un exercice stimulant. Un prologue en état de grâce. Des personnages comme englués, cloués au sol, extatiques et irradiants. Déjà morts ? Ou saisis au moment où ... Impuissants et vaincus.
Premier acte : une longue limousine qui ne peut manoeuvrer sur de petites routes, bloquée, les mariés avec eux. Impuissance. Déjà, ou encore. C'est la scène préférée de von Trier, paraît-il. Ce n'est pas étonnant. Elle est cocasse et elle distille un certain malaise. Le ton est donné.
Soirée de mariage. Deux soeurs. Claire, pragmatique mais angoissée (Gainsbourg) ; Justine, la mariée, volatile et dépressive (Dunst). Deux planètes opposées. Le film s'intéresse à leurs satellites, des tas de personnages qui s'agitent dans un théâtre de pantomime. Cynisme, gaité forcée, répliques assassines. Et une Cassandre se fait entendre. On ne l'écoute pas. La fête se poursuit, Justine s'enfonce et renonce à ce monde factice. Elle n'est plus là, au milieu de cette noce stupide. La fête est finie.
Deuxième acte : les invités et le mari sont partis. Huis-clos à ciel ouvert. Une planète grossit dans le ciel, se dirige vers la terre. Les deux soeurs se retrouvent à nouveau. Mais tout a changé, leurs rapports se sont inversés. Claire panique, Justine se reconstruit. Parce qu'elle sait. Cassandre ne dit rien. Impuissance, toujours. Elles sont comme engluées, clouées au sol.
La lumière viendra de l'apocalypse. La beauté, aussi.
Misanthrope, pessimiste, Lars von Trier l'est depuis toujours. Dans Melancholia, il transcende ces sentiments pour donner une oeuvre d'art. Contrairement à ce que certains peuvent penser, il est meilleur cinéaste quand il devient simple et lisible, pas quand il fait dans le symbolique grotesque et sordide (Antichrist). A chacun son point de vue.
Melancholia est le plus beau film de fin du monde avec En quatrième vitesse d'Aldrich. Les deux films ne se ressemblent pas. Ils ont pourtant en commun d'être ouverts à de nombreuses interprétations. C'est la magie du (grand) cinéma, créer une histoire et laisser des interstices pour que l'imagination du spectateur s'y engouffre. C'est comme ça depuis Méliès et ce le sera toujours. Jusqu'à la fin du monde.

 



10/08/2011
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