Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Aux Arcs, etc. (5)

 

Plus je progresse dans la sélection et plus je la trouve d'une très grande qualité. Pourvu que ça dure !

 

Las niñas, Pilar Palomero, Espagne

Las niñas, le premier long-métrage de Pilar Palomero, native de Saragosse, mérite de figurer au tableau d'honneur du nouveau cinéma espagnol. Le film se situe en 1992, l'année où l'Espagne apparait comme le parangon de la modernité en Europe, le franquisme aux oubliettes, la movida en exergue, les J.O de Barcelone et l'exposition universelle de Seville, en vedette. Pourtant, le vieux fond conservateur ibérique survit toujours, notamment en province, dans les relations sociales et dans l'éducation catholique des jeunes filles. Ce sont ces dernières que met en avant le film, à un âge-charnière (12 ans), au confluent de l'enfance et de l'adolescence. Entre l'école, les amies et sa mère veuve, la petite Celia (magnifiquement incarnée par la débutante Andrea Fandos) grandit entre insouciance, angoisse et questionnements, en particulier sur ses origines. De manière impressionniste, sans coups de théâtre ni dramatisation superflue, Las niñas se met à hauteur d'enfant avec une sensibilité et une délicatesse de tous les instants, rafraîchissant avec bonheur tous les poncifs plus ou moins liés au récit d'apprentissage. Le film évoque un peu le Cria Cuervos de Carlos Saura, la cruauté en moins, laissant le beau personnage de la mère à ses mystères. Réalisé avec une fluidité parfaite, avec notamment une scène d'ouverture admirable, à laquelle répondent les plans finaux, Las niñas se termine avec l'émotion la plus pure qui soit, prônant la liberté de conscience individuelle comme outil pour faire avancer les mentalités collectives.

Note : 7,5.10

 

Charter, Amanda Kernell, Suède

Ses enfants, sa bataille. C'est une femme décidée récupérer son fils et sa fille qui est au centre de Charter, dût-elle pour ce faire enfreindre la loi. Le choix du film d'Amanda Kernell est de se focaliser sur cette mère, en ne donnant que peu d'indications sur son ex-mari, pourquoi pas, mais c'est forcément réducteur. Que l'on ait du mal à saisir son état mental est sans doute l'un des enjeux du long-métrage mais elle n'est pas davantage inscrite socialement et le manque de repères la concernant finit par être contre-productif. Le film ne comporte aucune sous-intrigue ni seconds rôles et son insistance à ne pas dévier d'un pouce de son unique récit ne peut qu'aboutir à tourner en rond. Voire même à perdre beaucoup de sa crédibilité, malgré ses efforts pour paraître réaliste, à cause de comportements contradictoires et versatiles des quatre personnages principaux : la mère, le père et les enfants. C'est sur ces derniers que Charter se révèle le plus lacunaire. On peut admettre qu'ils se sentent otages du conflit qui divisent leurs parents mais leur mutisme et leurs revirements continuels peinent à convaincre. A vrai dire, le scénario n'est pas assez étoffé pour durer 1H30 et l'histoire semble bien étirée pour parvenir à une conclusion qui sera en grande partie ouverte. Charter ne traite pas d'un mauvais sujet mais il est inutile de le comparer à Jusqu'à la garde, par exemple, il ne combat pas dans la même catégorie.

Note : 5,5/10

 

La terre des hommes, Naël Marandin, France

Depuis quelque temps, le cinéma français redécouvre le monde rural et ses agriculteurs, s'apercevant enfin que c'est un terreau fertile pour des histoires bien charpentées, avec du drame, de la tension et des émotions. La terre des hommes (rien à voir avec Saint-Ex) en est une nouvelle illustration, solide et bien écrite à défaut d'être éblouissante, à cause d'une mise en scène un peu trop ... terre à terre. Néanmoins, outre l'évocation des problèmes financiers d'un exploitation agricole, thème classique, le film développe l'aspect communautaire et le machisme ambiant et très lourd, puisque son héroïne, Constance, est la seule femme agricultrice au milieu d'un océan de virilité, plus ou moins mal placée. La misogynie est dans le pré avec des conséquences immédiates sur le sort de Constance elle-même et de sa ferme. Un peu trop obnubilé par son intrigue, Naël Marandin, le réalisateur, en oublie cependant d'étoffer ses personnages secondaires et, accessoirement, de montrer la campagne bourguignonne. Il semble bien que le cinéaste et sa caméra soient tombés amoureux de Diane Rouxel, ce qui peut se comprendre, mais ne justifie pas la profusion de gros plans insistants. L'actrice est aussi convaincante que dans Volontaire mais il est dommage que Jalil Lespert, Finnegan Oldfield (le bien-nommé) et surtout l'immense Olivier Gourmet n'aient pas davantage de temps pour exprimer leur talent.

Note : 6,5.10

 

 



19/12/2020
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