Cinéphile m'était conté ...

L'amour dure trois ans. Le premier film de Frédéric Beigbeder, 1h38. 98 minutes de trop ? Sans aller jusque là, la copie de l'élève Beigbeder est loin de valoir la moyenne, mais il est probable qu'il s'en fout, puisqu'il s'est fait plaisir à s'essayer à un nouveau support, en multipliant les citations littéraires, musicales et cinématographiques à l'envi. Ses deux références explicites sont le Woody Allen d'Annie Hall et le Michel Deville de L'ours et la poupée. Pas mal, mais ce n'est pas en reprenant quelques tics de l'un (les confessions face caméra) et les trucs de l'autre (l'incongruité et le chevaleresque déphasé) que l'on bâtit un film qui tient la route. Pour commencer, la direction d'acteurs fait cruellement défaut : si Louise Bourgoin ne s'en sort pas mal, de par sa fraîcheur, Gaspar Proust, qui n'a que l'expérience de ses one man shows, est trop souvent laissé à lui-même. Quelques seconds rôles tentent de colmater les brèches : Nicolas Bedos (il faudrait le revoir, lui), Valérie Lemercier, Bernard Menez, entre autres, mais leurs rôles sont en marge. Entre égocentrisme assumé et auto-dérision bienvenue, Beigbeder avait les moyens de réaliser autre chose que cette comédie romantique bancale qui navigue à vue entre cynisme et bluette. Dans le fond, le film est trop sage et ne décoiffe pas autant qu'espéré (si ce n'est dans le duo impossible entre Michel Legrand et Joey Starr). Pire, il y a un paquet de scènes totalement inutiles, des morceaux de dialogues insipides et une espèce de je-m'en-foutisme général qui rend l'entreprise suicidaire car sabordée de l'intérieur. C'est dommage, mais pas très surprenant de la part de Beigbeder qui a aussi cette fâcheuse tendance masochiste dans ses écrits. A se demander si l'animal n'a pas qu'une seule crainte, celle d'être pris au sérieux ?