Alès dans ses baskets (6)
3 films ce jour. Dont 2 qui se passent à New York. Mais comment aujourd'hui faire un film original dans cette ville tellement vue au cinéma ?
Manhattan Stories (Person to Person), Dustin Guy Defa. Sortie le 16 mai
Un jour à New York. Unité de temps et de lieu et une multitude d'actions. Vignettes successives qui débouchent sur des intrigues mieux qu'esquissées mais qui manquent d'enjeu pour cause de dispersion, phénomène récurrent des films choraux. Très dialogué, Manhattan Stories, "traduction" paresseuse de Person to Person, évoque dans la splendeur automnale de la ville un certain romantisme à la manière de qui l'on sait y ajoutant une timide théâtralité de fait divers. Le mélange, sans être détonant, possède un certain charme avec une inclinaison pour des situations incongrues que vivent des personnages le plus souvent dans l'embarras. Le film se voit sans déplaisir, chronique plus tendre que rugueuse, compilant des histoires courtes dont aucune d'entre elles n'aurait suffisamment de substance pour faire un long-métrage. Comme un recueil de nouvelles dont les différents segments alterneraient dans la narration. Manhattan Stories est une pierre de plus dans le jardin du cinéma indépendant américain. Une contribution qui n'enthousiasme guère mais ne désole pas non plus. Anodine, en définitive.
Naufragé volontaire de Didier Nion.
En 1952, Alain Bombard, médecin de son état, entreprend de traverser l'Atlantique sur un modeste canot, sans vivres ni eau. Bombard dément ? Non, une expérience destinée à montrer les capacités humaines. Le film que Didier Nion, lui-même marin expérimenté, consacre à cette aventure, 65 ans plus tard, est radical. Un homme à la mer, seul face à son destin et aux éléments, le film ne montre presque rien d'autre, pas plus l'inquiétude de ses proches ni le retentissement mondial qui s'ensuivra. Il est question très vite de survie, tout simplement, dans ce pari insensé dans le calme ou la tempête des flots et de l'hygiène mentale qui sauve. Quitte à parler aux poissons ou à se réciter la liste des planètes pour ne pas sombrer dans la folie. Il ne se passe pas énormément de choses dans Naufragé volontaire, si ce n'est que chaque geste est crucial et chaque erreur dangereuse. Evidemment, on connait la fin et limite quelque peu l'intérêt du film qui ne cherche pas à dramatiser outre mesure. Sa résonance est moindre aujourd'hui sans doute, et ne vaut pas n'importe quel documentaire sur le sujet. Mais au moins, il est fidèle à la mémoire de Bombard.
Nobody's watching (Nadie nos mira) de Julia Solomonoff. Sortie le 25 avril
Un homme blond change la couche d'un bébé dans un parc new-yorkais sous le regard d'émigrées latinas qui lui trouvent un air de ressemblance avec un acteur de telenovela. Et pour cause. Après notamment Le dernier été de la Boyita, le troisième film de l'argentine Julia Solomonoff est une chronique, cette fois d'un exilé volontaire, et temporaire, l'un de ses compatriotes qui compte faire évoluer sa carrière, tout en essayant d'oublier une aventure sentimentale. Nobody's watching est de plus en plus mélancolique au fil des minutes, trouvant un rythme presque languissant alors que son héros a un emploi du temps très chargé, vie trépidante dans la Grosse Pomme oblige, le plus souvent consacré à de petits boulots, comme celui de nounou pour ses amies. Le héros du film n'est plus vraiment acteur, n'est pas père et est-il encore latino, du fait de la couleur de ses cheveux ? Son identité devient de plus en plus flou malgré sa volonté et un certain optimisme de façade. Nobody's watching, en dépit d'une mise en scène sans trop d'éclat, parvient à faire sentir au spectateur le déracinement de son personnage et sa solitude qui ne fait que s'amplifier. Sans chercher à tout prix l'émotion et plutôt subtilement. Un cheminement triste et douloureux qu'elle n'accentue jamais et traite avec infiniment de pudeur.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 51 autres membres