Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

A propos de White God

Mon film préféré de 2014 sortira ... en 2015 (Les nouveaux sauvages, on en reparlera). En attendant, c'est White God qui devrait trôner en haut de mon palmarès de l'année.

 

Teaser a interviewé Kornél Mundruczó au moment de la sortie de White God. Ce film est important parce qu'il est au même titre que Timbuktu un manifeste politique en même temps qu'une fiction haletante. La Hongrie vit actuellement sous un régime qui dérive dangereusement vers le fascisme. White God est une parabole, une allégorie qui prend partie. Ce n'est que l'une de ses qualités, mais ce n'est pas la moindre.

 

"White God, sélectionné au tout dernier moment à Un Certain Regard, a raflé la plus haute distinction de la section et des dithyrambes de la part du public et de la presse. Derrière la naïveté du film, une charge du climat sociopolitique européen contemporain. Ou comment l’art politique de Kornél Mundruczó s’est fait d’autant plus agressif depuis qu’il est plus populaire. Entretien avec un cinéaste en mutation."

Teaser

 

Quelques extraits de l'interview à retrouver intégralement ICI

 

Vous disiez que le climat politique avait été une influence sur la mise en chantier de WHITE GOD. Dans quelle mesure ? Peut-on parler de réaction directe à la résurgence des idées d’extrême droite un peu partout en Europe ?
Oui. White God devait être un reflet immédiat de la société et de la réalité dans lesquelles je vis. Ce n’a pas été facile de trouver une forme cinématographique adéquate. Je déteste les pamphlets politiques trop directs au cinéma. Je n’ai pas envie qu’on me lise les journaux quand je suis face à l’écran. Quand je vais en salles, j’ai besoin d’une expérience différente que seul l’art peut créer. Un jour, je me suis retrouvé face à un chien qui était enfermé dans une cage et j’ai eu honte. Honte d’être là, et lui, derrière des barreaux. Je fais partie d’un système pourri et je le perpétue. C’est là où j’ai compris que je tenais un moyen pour refléter ma société, avec une histoire des plus concrètes. Les chiens sont la métaphore parfaite pour représenter toutes les minorités. La société hongroise est de plus en plus extrême, il y a une vraie montée de l’extrême droite ici et des attitudes totalitaires. Lorsque j’étais en montage du film, je me suis rendu à Anvers en Belgique, pour travailler sur un opéra, et je me suis fait la réflexion qu’Anvers n’était pas si éloigné de Budapest : là-bas aussi, il y a la résurgence sournoise de l’extrémisme en réaction à une peur de l’étranger. L’Europe a une attitude arrogante et intolérante face à l’immigration. Attitude qui crée cette peur. Mais le fait que White God soit une fable sur une petite fille et son chien, cela évite le discours politique direct. Il montre juste nos contradictions et soulève des questions.

 

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On peut déceler dans votre film, notamment lorsque vous filmez la société canine en train de se former, une inspiration de Dickens ou de Victor Hugo. Mais le film a aussi ce quelque chose de George Orwell ou de Pierre Boulle (‘La Planète des singes’)… White God est-il plus influencé par la littérature que par le cinéma ?
Oui. Déjà par l’influence directe de Coetzee comme je vous le disais. Mais surtout par ‘Le Comte de Monte Cristo’ d’Alexandre Dumas, dans la manière dont on complote la vengeance. Pour ce qui est de Dickens, d’Orwell ou de Boulle, je peux comprendre le parallèle après coup, mais ils ne sont pas des inspirations directes ni concrètes. Mais j’ai aussi des influences cinématographiques : je viens de la campagne et quand j’étais adolescent, grandissant dans une petite ville, près de Budapest, j’avais une double culture filmique. L’une provenant de la maison culturelle locale où l’on mettait en lumière, tous les mois, un réalisateur en présentant trois ou quatre de ses films – ce pouvait être Bergman, Bresson, Fassbinder… J’adorais ce club. Et puis, il y avait les cinémas de la ville, où nous pouvions voir ALIEN, TERMINATOR et plein de films postapocalyptiques de la fin des 80’s et début des 90’s… Dans White God, il y a ces deux cultures.

 

En même temps, White God n’est pas un pur film de genre. Il le devient dans sa deuxième moitié.
Je trouve que le cinéma de genre est de plus en plus creux. Il n’a plus que des ambitions de divertissement. Moi, je voulais aller dans quelque chose d’un peu plus hétéroclite. White God a un moteur très sentimental – une petite fille veut retrouver son chien et vice versa. C’est un mélodrame et un film politique et social caché sous un film de genre. Ça a été très ludique à faire. On aurait pu raconter l’histoire d’un chien qui était en train de crever dans sa cage mais c’est plus fort si vous incluez l’interaction avec cette fillette pour finalement verser dans le conte de fées. Ce sont les éléments du cinéma de genre qui, paradoxalement, permettent l’empathie du public. Si j’avais opté pour du pur réalisme, comme dans les films roumains ou iraniens, alors j’aurais pu livrer une sorte de pensum prévisible.

 

 



22/12/2014
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