Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Vu à Angoulême (2)

 

Habib, La grande aventure de Benoît Mariage, sortie le 22 février

Parfois, un film vous laisse décontenancé et vous avez un mal fou à déterminer votre sentiment général, si ce n'est qu'il penche plutôt vers l'incompréhension. Dans le cas de Habib, La grande aventure, signé du cinéaste belge Benoît Mariage (Les convoyeur attendent), le pitch n'est pourtant pas abscons : il s'agit d'un jeune acteur bruxellois, d'origine maghrébine, qui joue le rôle de Saint François d'Assise sur scène (difficile d'en parler à sa famille) et doit en même accepter des rôles"d'Arabe de service" au cinéma, jusqu'à un jouer un gigolo auprès de Catherine Deneuve (sic). Il y a une quête identitaire que l'on voit bien dans ce sujet ainsi que les difficultés que peut rencontrer un acteur qui renvoie une certaine image à ses metteurs en scène. Très bien, mais le film semble parfois aussi erratique que le cheminement de son héros. Certaines scènes, vraiment loufoques, sont très réussies et d'autres apparaissent comme déconnectées et, pour être honnête, d'un intérêt un peu limité. C'est le cas aussi de nombreux personnages dont on se demande quelle est leur réelle plus-value (la sœur, par exemple, ou la maîtresse du père). Habib, La grande aventure ressemble à une étape de moyenne montagne dans le Tour de France : on croit en des péripéties palpitantes mais on n'a droit qu'à quelques échauffourées, au milieu d'une morne plaine. Habib semble souffrir d'une certaine schizophrénie, eh bien, le film aussi, d'une certaine manière.

 

Nos frangins de Rachid Bouchareb, sortie le 7 décembre

Un assassinat peut en cacher un autre ... Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est battu à mort par les forces de l'Ordre. La même nuit, à Pantin, Abdel Benyahia est abattu par un policier ivre. Deux affaires qui n'ont rien à voir mais qui se situent au moment des grandes manifestations contre le projet de loi Devaquet. Montrer pourquoi l'un de ces meurtres provoque un scandale national alors que l'autre n'est révélé que tardivement, pour éviter un fâcheux amalgame pour le ministère de l'intérieur est l'idée de départ de Nos frangins et, ne serait-ce que le devoir de mémoire mérite de la saluer. Le réalisateur, Rachid Bouchareb, tient d'abord à contextualiser le film, avec force images d'archives (qui ne sont vraiment pas à l'avantage du gouvernement de l'époque, et pour cause), tout en s'attachant à la douleur et à l'incompréhension des familles meurtries. Certains pourront reprocher au film de ne pas avoir de réel point de vue mais celui-ci existe pourtant, sous-jacent et pleinement exprimé par les dernières images et la chanson de Renaud qui a donné son titre au long-métrage. Certes, cette sorte d’œuvre chorale semble parfois avoir du mal à trouver son unité (le personnage du membre de l'IGS, interprété par Raphaël Personnaz, n'a pas suffisamment de temps pour exister vraiment) mais la force du jeu de Reda Kateb, Samir Guesmi et Lyna Khoudri est suffisante pour pallier une mise en scène que l'on pouvait attendre plus vive. Et l'hommage à ces deux martyrs de la violence policière reste un geste nécessaire et salutaire dans une démocratie telle que la notre.

 

Une histoire d'amour de Alexis Michalik, sortie en 2023

Alexis Michalik est surnommé par certains le "Mbappé du théâtre." La comparaison n'a pas de sens au cinéma puisque Une histoire d'amour n'est que son deuxième long-métrage, après le virevoltant Edmond et, d'ailleurs, l'auteur ne se revendique pas "réalisateur" mais plutôt raconteur d'histoires. A ce sujet, le récit de son dernier film ne devrait pas être autant dévoilé dans le résumé que l'on trouve un peu partout car c"est gâcher en grande partie le plaisir d'en découvrir les péripéties par soi-même. Chez Michalik, le tempo est toujours accéléré, à la limite du surrégime mais comme c'est enivrant cette sensation de vitesse d'exécution, avec une grande virtuosité pour sublimer les plus grands bonheurs et les peines immenses. Avec l'adaptation de sa pièce éponyme et à succès, Michalik ne fait pas du théâtre filmé, loin de là, même si ses dialogues sonnent vifs, drôles et enlevés, et sont ce qu'il y a de meilleur dans Une histoire d'amour. En réalité, le cinéaste ressemble un peu à ce copain qu'on a tous et qui sait toujours dégainer une répartie cinglante mais hilarante, au bon moment. Bien entendu, il y a bien quelques clichés dans le film, notamment autour du frère de l'une des héroïnes, en panne et bien entendu alcoolisé, mais ce n'est pas la profondeur psychologique que l'on apprécie chez Michalik mais davantage son art de capter l'air du temps de manière foudroyante et séduisante. Les interprètes sont les mêmes que dans la pièce de théâtre et c'est une occasion rêvée pour Juliette Delacroix et Manon Maindivide de montrer toute l'étendue de leur talent.

 



26/08/2022
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