Cinéphile m'était conté ...

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Vu à Alès (2)

 

Le jeu de la reine de Karim Aïnouz

Qu'est-ce qui a motivé la décision du cinéaste brésilien Karim Aïnouz, au faîte de son talent avec le splendide La Vie invisible d'Eurídice Gusmão, pour tourner Le jeu de la reine, a priori bien loin de son univers, avec une première incursion en langue anglaise ? Le sujet, sans doute, avec l'évocation de la vie de Catherine Parr, la sixième et dernière épouse de Henri VIII. Il est vrai que le personnage est intéressant, rebelle et intelligent, une véritable joueuse d'échecs, dans une Angleterre soumise à de graves désordres, à commencer par une grande crise religieuse dans laquelle la reine avance ses pions, avec une subtilité indéniable. Au-delà des résonances avec notre époque et son caractère féministe affirmé, Le jeu de la reine recherche l'authenticité et le naturalisme dans le portrait de la cour d'Angleterre et de ses intrigues, avec une certaine élégance de trait. Il manque toutefois un peu de flamme, on n'ose dire de flamboyance, pour que le long-métrage sorte du cadre académique du film à costumes qui le rend parfois ennuyeux. Alicia Vikander fait toutefois preuve d'une belle présence dans le rôle central tandis que Jude Law, parfaitement méconnaissable, a davantage de mal à personnifier cet ogre de Henri VIII, au crépuscule de son existence, malade, atrabilaire et inconstant, autrement que d'une manière plutôt convenue.

 

Paradise is burning de Mika Gustafson

Elles sont trois sœurs suédoises, âgées de 7 à 16 ans, abandonnées (provisoirement ?) par leur mère et sans père à l'horizon. Avec une visite des services sociaux qui s'annonce à brève échéance. Voilà pour les éléments fondamentaux de Paradise is burning mais sa réalisatrice, Mika Gustafson, précise toujours dans ses interviews qu'il s'agissait moins pour elle de "raconter que de montrer." Et montrer quoi ? Une aînée débrouillarde et deux fillettes décidées à ne pas s'en laisser conter par les galères du quotidien, quitte à user de filouterie, quand les circonstances l'exigent. Dans son côté âpre, qui prévaut souvent, le film rappelle Loach, Kore-eda ou les Dardenne mais il y a aussi des moments moins réalistes, qui fleurent bon une poésie qui ne flirte jamais avec la mièvrerie. Cependant, avec un caméra souvent nerveuse, Paradise is burning ressemble plus à une accumulation de scènes, plus ou moins passionnantes, qu'à une construction scénaristique solide et réfléchie. Ce côté buissonnier, éminemment sympathique, emporte l'adhésion, avec une interprétation convaincante à la clé, mais persiste le sentiment que le film aurait sans doute pu être meilleur avec une histoire bien plus équilibrée et assurée sur ses petites pattes.

 

Pendant ce temps sur la terre de Jérémy Clapin

Très attendu après ses débuts avec J'ai perdu mon corps, le premier long-métrage de Jérémy Clapin en prises de vues réelles (quoique, pas totalement) reste dans une veine ouvertement fantastique. L'histoire ressemble un peu à certaines de celles développées dans La quatrième dimension, voire, pour les amateurs, dans le très fameux Les Envahisseurs, mais pas avec les mêmes visées. Et puis, n'est pas David Vincent qui veut car la jeune femme en deuil qui prend sa suite, bien malgré elle, dans Pendant ce temps sur terre, n'a pas sa hargne ni sa volonté. Plutôt qu'un film inabouti et frustrant, eu égard à son point de départ,, Jérémy Clapin aurait pu écrire une BD qui aurait sans doute donné plus d'impact au côté mystérieux du récit. Le film s'appuie sur certains effets sonores mais reste visuellement bien trop sage pour susciter une véritable exaltation. Quant à l'émotion, en dépit du sujet et du dilemme posée à son héroïne, elle ne transparaît presque jamais. Si Pendant ce temps sur terre n'est jamais fastidieux, c'est parce que le suspense y est bien présent et que l'on est en droit d'espérer un dénouement de l'ordre du grandiose. Las, c'est une vraie déception, il se révèle non seulement énigmatique mais aussi sans aucun relief.

 



24/03/2024
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