Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Viva il cinema ! (3)

 

 

Lubo de Giorgio Diritti

Lubo pourrait aisément figurer parmi les meilleurs films de 2024, si tant est qu'il puisse être distribué en dehors des frontières italiennes de manière satisfaisante, ce qui est loin d'être acquis. C'est qu'il s'agit d'un long-métrage de près de trois heures, signé du maître italien Giorgio Diritti, trop méconnu, et qui évoque le sort de la communauté nomade Yéniche, en Suisse, tout au long du 20ème siècle, marqué par les persécutions continuelles de l’État helvétique et le vol de leurs enfants, afin de les placer dans des familles "convenables" et de les rééduquer. Mais Lubo, outre cet aspect passionnant, largement ignoré, n'est pas que cela : c'est aussi un formidable film romanesque, autour de son personnage principal, suivi pendant plus de 2 décennies, avec un destin qui alterne violence, pouvoir, amour et déchéance. La maîtrise de Diritti, dans une reconstitution historique impeccable, fait merveille, donnant à son intrigue une densité peu commune, au point que les 3 heures semblent n'en durer qu'une seule. Au-delà de nous raconter des faits peu connus, qui se sont déroulés très près de la France, et qui rappellent, toutes proportions gardées, ceux narrés dans Killers of the Flower Moon, Lubo nous rappelle à quel point Franz Rogowski est un acteur exceptionnel. Quel autre comédien actuel est aussi expressif dans ses silences ? Ne cherchez pas, il n'en existe aucun !

 

Bassifondi de Francesco Pividori

Le nom d'artiste de Francesco Pividori est Trash Secco, un pseudonyme qui en dit long sur sa volonté de ne pas emprunter des sentiers balisés. Son premier long-métrage, Bassifondi, est en effet radical même si Pividori trouve triste que l'on ait salué sa vision "différente" du monde des sans-abri car pour lui elle est on ne peut plus "normale." Bassifondi reste cependant un film difficile à regarder, cru et sans concession, le plus souvent inconfortable. Sous les ponts de Rome, ce duo de personnages invisibles choque et interpelle mais il faut avoir l'estomac bien accroché, au milieu des rats et de la saleté, avec cette autre facette de la société que nous avons tant de mal à regarder. La mise en scène ne se prive pas de quelques envolées oniriques, bienvenues, mais le scénario reste peut-être trop linéaire, ne nous attachant pas suffisamment à ses protagonistes, en refusant, à quelques détails près, de nous expliquer comment ces hommes en sont arrivés à cet état de misère.

 

Dante de Pupi Avati

Dante Alighieri, dont l’œuvre d'écrivain est plus connue que la vie, méritait bien qu'un cinéaste tel que Pupi Avati se penche sur son cas. Le prisme choisi est d'ailleurs astucieux puisque c'est à travers un autre personnage illustre, Boccace, que l'existence de l'auteur de La divine comédie nous est contée. Outre l'orphelin de mère, l'amoureux de Béatrice et, bien entendu, le poète, c'est aussi l'homme politique qui se révèle, son engagement lui valant son exil de sa chère ville de Florence. Il y a beaucoup de goût dans la reconstitution du 14ème siècle italien et la qualité picturale du film devrait être une bonne raison de s'extasier. Mais hélas, l'austérité de la construction du récit et sa sécheresse de ton, ainsi que son absence de fluidité narrative, avec les passages incessants de Boccace à Dante, ont assez tôt fait de diluer l'attention, voire même de l'annihiler totalement, ce qui est bien sûr regrettable eu égard à l'intérêt porté a priori sur son sujet.

 



25/02/2024
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