Une fresque intime (Amerika)
America, America : c'est sans doute Elia Kazan, dans un film mémorable, qui a le mieux décrit l'exil et l'adaptation difficile à une nouvelle vie, de l'Empire ottoman aux Etats-Unis du début du XXe siècle. L'air de déjà vu s'estompe pourtant très vite dans le roman du libanais Rabee Jaber, au titre quasi similaire : Amerika. Marta, son héroïne, est comme un symbole de toute une communauté, syrienne ou libanaise, comme on voudra, qui, loin des racines, tisse une solidarité sans faille entre ses membres, transplantés. La vie de cette femme est un roman, forcément, mais contre son gré, ballotée de manière collatérale par les convulsions de l'Histoire : première guerre mondiale, grippe espagnole, crise de 29. Jaber a écrit une fresque intime, une saga américaine qui possède du souffle et de l'intensité, sans se départir d'une humilité touchante à l'image de Marta, petit soldat de l'existence dont les armes sont la ténacité et le courage. Le livre permet de découvrir ces "kachâcha", colporteurs levantins qui sillonnaient l'Amérique de long en large, apportant aux ménagères tissus et accessoires divers. S'il est centré sur la destinée de Marta, le romancier, en bon conteur oriental, digresse sans cesse et commente parfois son propre récit, comme s'il se joignait au lecteur, simple témoin d'une histoire qui se déroule sous nos yeux. Rabee Jaber s'échappe souvent de la simple chronologie pour évoquer la cacophonie des destins. Comme son écriture est limpide, on le suit avec bonheur, amoureux comme lui de cette femme dont la fragilité apparente cache une indépendance et une volonté invincibles.
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