Un homme en crise dans une société qui ne l'est pas moins (De bon matin)
Violence des échanges en milieu tempéré. C'est le titre de l'un des films de Jean-Marc Moutout (2003), consacré à la froide politique d'une entreprise qui licencie. Avec De bon matin, le réalisateur poursuit dans la même veine avec le "pétage de plombs" d'un cadre de banque, jusque là sans histoire. Restructuration, humiliation, démotivation, placardisation ..., ou comment broyer un homme et le conduire à se renier lui-même et à commettre l'irréparable. Moutout choisit de commencer par la fin (enfin presque) et de montrer le cheminement de la dépression en flashbacks. Pas de façon chronologique, mais comme une mosaïque de scènes clés, au travail ou en famille, à différents moments de la vie de cet homme acculé. Le procédé évite la démonstration mais, en contrepartie, dilue la force du scénario et lui ôte son implacabilité. Jean-Pierre Darroussin est tétanisant de souffrance, honnête homme piégé par la culture du résultat, isolé dans un management qui délaisse l'humain pour la rentabilité. Deuxième défaut du film : face à l'acteur, véritable stradivarius, les autres comédiens ne font pas le poids. Darroussin phagocyte littéralement le film. Au-delà de ces bémols, De bon matin, métallique comme le désespoir, sans issue de secours, est criant de vérité sur des situations vécues chaque jour dans le monde du travail. La souffrance d'un être en crise dans une société qui ne l'est pas moins est insupportable. Reconnaissons au film, en dépit de ses manques, de traiter le sujet à bras le corps, sans l'ombre d'une tentation démagogique.
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